Le partenariat de recherche Tryspaces et le Conseil jeunesse de Montréal (CjM) se sont récemment penchés sur l’utilisation de l’espace urbain par les jeunes la nuit. Une occasion de mettre en lumière un phénomène encore méconnu dans la métropole.
Le vaste projet de recherche a été réalisé grâce à une collaboration entre l’Université de Montréal, l’organisme REsPIRE et le CjM, dans le cadre du projet Tryspaces.
L’objectif de ce dernier consiste à documenter et à comparer les pratiques des jeunes dans les espaces publics de quatre villes du monde, soit Montréal, Hanoï, Mexico et Paris.
«On s’intéresse spécifiquement aux jeunes et à leur appropriation de l’espace public. Dans le cas de Montréal, on s’intéresse à la plus grande tolérance envers la transgression», explique Nathalie Boucher, chercheuse en études urbaines et directrice de l’organisme REsPIRE.
L’utilisation de l’espace public la nuit par les jeunes est assez mécomprise. Dans des villes européennes comme Amsterdam et Barcelone, le potentiel nocturne a déjà été exploité, surtout au niveau économique, mais pas ici.
Nathalie Boucher, chercheuse en études urbaines et directrice de l’organisme REsPIRE
Un rapport de projet et 28 recommandations ont par ailleurs été présentés au comité exécutif de la Ville de Montréal le 13 avril.
Que font les jeunes la nuit?
Si le projet s’est intéressé à l’utilisation de l’espace public dans son ensemble, l’équipe constate un phénomène particulier chez les jeunes dès la tombée du jour.
«Ce qui est apparu nous a assez surpris. Les jeunes, ce qu’ils veulent faire et qu’ils mettent déjà en place là où c’est possible, c’est simplement se retrouver entre eux pour ne rien faire de particulier, si ce n’est passer un moment banal ensemble», relate Nathalie Boucher.
Après de nombreuses heures à observer près de 8000 usagers dans six parcs montréalais, il a été constaté que les jeunes étaient susceptibles de subir une forme de discrimination durant la nuit.
«On nous a rapporté en entrevue un cas où des riverains ont appelé la police alors que des jeunes étaient littéralement en train de faire de la poésie dans un parc. Il existe bel et bien un biais de perception sociale dont peuvent être victimes ces derniers la nuit.»
Pour le président du CjM, Pentcho Tchomakov, cette perception ne serait pas toujours justifiée.
«Au final, il est important de rappeler que très peu des activités nocturnes des jeunes sont considérées “hors normes” ou délinquantes. Ce dont les jeunes ont besoin, c’est de pouvoir se retrouver normalement, et de façon sécuritaire.»
Il y a un réel besoin au niveau du manque d’espace public pour les jeunes à Montréal, ce qui peut parfois créer des enjeux avec le reste de la population.
Hien Pham, professeure en études urbaines à l’UQAM
Vivre la nuit
De nombreux jeunes ont également exprimé à l’équipe de recherche d’autres besoins, comme celui de faire du sport ou d’étudier tard le soir, par exemple.
«On a mesuré un grand besoin de faire des activités ordinaires, mais dans un contexte nocturne et plus tardif que les adultes. Malheureusement, à l’heure d’aujourd’hui, il n’y a pas grand-chose qui leur offre cette opportunité dans la ville», mentionne Mme Boucher.
La chercheuse en études urbaines explique également que le transport et la centralisation des établissements pouvant accueillir les jeunes dans un contexte festif constituent d’autres enjeux sur lesquels se penchera l’analyse des données de cette étude dans les prochains mois.
«On commence à peine à s’intéresser à ce phénomène à Montréal. La Ville organise d’ailleurs le Sommet de la Nuit depuis l’année passée. Ça va permettre de pouvoir avancer sur le sujet et de mieux répondre aux besoins des jeunes dans les années à venir», conclut Mme Boucher.