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Environnement: une année de compromis pour Justin Trudeau

Prime Minister Justin Trudeau takes part in the National Prayer Breakfast in Ottawa on Thursday, May 19, 2016. THE CANADIAN PRESS/Sean Kilpatrick Photo: THE CANADIAN PRESS
Fannie Olivier, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Le gouvernement de Justin Trudeau a tenté en 2016 de trouver le difficile point d’équilibre entre le développement économique et la lutte contre les changements climatiques. Avec la nouvelle année, il devra faire face à des pressions renouvelées, les uns voulant plus d’exploitation des ressources, les autres plus de réglementation environnementale.

En un an, les libéraux fédéraux ont donné leur aval à trois importants projets de développement des ressources naturelles, s’attirant les foudres de plusieurs écologistes. Ils ont ainsi autorisé l’élargissement de l’oléoduc Trans Mountain de Kinder Morgan, le remplacement de la canalisation 3 d’Enbridge et le projet de gaz naturel liquéfié Pacific NorthWest.

Ils ont d’un autre côté développé un cadre pancanadien de réduction des gaz à effet de serre (GES) dont la pierre angulaire est la «tarification du carbone», ce qui a suscité des critiques de l’industrie, de l’opposition conservatrice et de la Saskatchewan.

En entrevue de fin d’année, le premier ministre Trudeau a répété qu’il refusait de choisir entre l’économie et l’environnement. «Il faut faire les deux en même temps. Et ça, ça veut dire qu’avant de pouvoir dire oui à Kinder Morgan, il a fallu qu’on ait un prix sur le carbone à travers le pays», a-t-il signalé en entrevue à La Presse canadienne.

En d’autres mots, il fallait faire des compromis.

Selon le professeur titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal Pierre-Olivier Pineau, M. Trudeau n’a pas le choix de ménager la chèvre et le chou sur ces questions s’il ne veut pas se mettre à dos de nécessaires alliés: les provinces et les Canadiens eux-mêmes.

«Le gouvernement Trudeau cherche un équilibre entre l’impératif de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, mais de préserver aussi une certaine unité et cohésion dans la société canadienne», a-t-il rappelé.

Malgré ces efforts, deux provinces ont refusé de signer sa stratégie nationale de réduction des GES: la Saskatchewan et le Manitoba, bien que pour des raisons différentes. Pour le premier ministre saskachewanais Brad Wall, c’est la décision d’imposer une taxe sur le carbone de 10 $ la tonne à compter de 2018, qui grimpera à 50 $ la tonne en 2022, qui ne passait pas. Son homologue manitobain, Brian Pallistair, a quant a lui rejeté le document pour protester contre le manque de financement fédéral en santé.

Pourtant, il fallait agir, a assuré M. Pineau. «Même si ça crée des remous, ce n’est qu’un premier pas extrêmement timide dans la lutte aux changements climatiques. Beaucoup plus reste à faire, mais au moins, le gouvernement fait un pas concret, et ça, il faut l’applaudir», a-t-il noté.

Sauf qu’en voulant plaire à tout le monde, M. Trudeau joue sur tous les tableaux, selon le député conservateur Gérard Deltell. «Quand on a un visage à deux faces, ça fait quatre joues pour recevoir des claques, et c’est en plein ce qui s’est passé cette année», a-t-il lancé en entrevue téléphonique. M. Deltell reproche particulièrement à M. Trudeau d’avoir rejeté le projet de pipeline de Northern Gateway et d’avoir imposé un prix sur le carbone. À ses yeux, M. Trudeau devra «assumer pleinement ses contradictions» en 2017.

Les néo-démocrates reprochent à l’inverse aux troupes libérales de ne pas en faire assez pour le climat. Leur chef Thomas Mulcair insiste surtout sur le fait que les libéraux s’en tiennent aux cibles de réduction de GES fixées par les conservateurs, soit 30 pour cent de réduction d’ici 2030, par rapport à 2005. «Je ne crois pas que les Canadiens qui ont voté en 2015 pour Justin Trudeau s’attendaient au plan de Stephen Harper sur les gaz à effet de serre», a-t-il laissé tomber en point de presse, à la fin de la session parlementaire.

À faire en 2017

Pour atteindre cette cible, Ottawa devra déployer son cadre pancanadien annoncé le 9 décembre et mettre de l’avant une série de mesures, comme la modernisation du code du bâtiment et des normes en matière de transport.

Il aura par ailleurs à peaufiner son plan, car selon le cadre présenté, le gouvernement n’a pas précisé comment il allait retrancher 44 mégatonnes de CO2, se contentant d’indiquer dans le document qu’elles proviendront «de mesures additionnelles».

Il devra également surveiller comment se dérouleront les choses pour les deux nouvelles provinces qui mettront dès janvier un prix sur le carbone. L’Alberta imposera en effet une taxe de 20 $ la tonne, qui devrait passer à 30 $ la tonne l’année suivante. L’Ontario lancera quant à elle son marché du carbone, pour éventuellement se joindre à celui du Québec et de la Californie l’année d’après.

La mobilisation écologiste risque par ailleurs de s’intensifier, alors que des groupes contestent en cour l’approbation de Trans Mountain et promettent des manifestations anti-pipeline.

Le vent de protestation entourant le projet Énergie Est de TransCanada devrait lui aussi reprendre, alors que l’Office national de l’énergie relancera les audiences publiques, après plus de trois mois de pause.

Quoi qu’il advienne, M. Trudeau a dit être prêt à ce que les électeurs le jugent sur la trajectoire qu’auront les émissions de GES sous son mandat, aux élections de 2019.

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