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Lac-Simon: homme tué dans un affrontement policier

Photo: TC Media

Le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente les policiers de Lac-Simon, affirme que la dernière tragédie survenue dans la réserve algonquine de l’Abitibi était «une catastrophe annoncée» et réclame l’intervention directe des premiers ministres Justin Trudeau et Philippe Couillard pour rehausser le niveau de sécurité non seulement de ses membres, mais aussi de la population.

Une enquête indépendante a été lancée par le ministère de la Sécurité publique relativement au décès de Sandy Tarzan Michel, âgé de 25 ans, lors d’une opération policière menée à Lac-Simon, mercredi soir.

Le jeune homme est mort des suites de ses blessures après avoir été transporté dans un hôpital de Val-d’Or.

En conférence de presse à Québec, jeudi, le directeur québécois du SCFP, Marc Ranger, a noté que cette deuxième tragédie en moins d’un mois et demi — l’agent Thierry Leroux, de la Police de Lac-Simon, a été abattu par un tireur qui s’est ensuite enlevé la vie, en février dernier — survient deux jours après le dépôt d’un rapport, le 4 avril, de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) dénonçant un environnement de travail non sécuritaire, faute de ressources et de moyens techniques.

Cette situation est attribuable, selon le SCFP, à un sous-financement chronique du corps policier, qui se traduit par un manque d’effectifs pour intervenir dans des situations problématiques.

«C’était une catastrophe annoncée. C’était une catastrophe qui aurait pu être évitée et on imagine l’état d’esprit des membres de la communauté et l’état d’esprit de nos membres, des policiers», a dénoncé M. Ranger.

«On ne peut pas envoyer les gens à l’abattoir comme ça dans des interventions, les yeux fermés, dans un contexte où il y a des armes à feu en circulation», a-t-il dit, faisant valoir qu’il s’agit d’une communauté de chasseurs.

«Ça prend un traitement-choc maintenant et on veut faire en sorte que les gouvernements prennent leurs responsabilités; on veut faire en sorte que la sécurité des gens soit assurée», a-t-il martelé.

M. Ranger a dit avoir rencontré le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, le 21 mars dernier à ce sujet, mais celui-ci aurait fait part de son impuissance puisque le financement des corps policiers autochtones relève d’une entente avec Ottawa qui est en vigueur jusqu’en 2018.

«On ne peut pas s’abriter derrière une entente qui se termine en 2018 pour dire qu’on n’interviendra pas», s’est insurgé le syndicaliste, notant que lorsque la Sûreté du Québec (SQ) avait pris la relève des policiers de Lac-Simon à la suite du décès du policier Thierry Leroux, elle avait doublé les effectifs du corps de police local pour assumer ses responsabilités.

«Quand la SQ arrive, les coûts explosent et il n’y a pas de problème. (…) Est-ce qu’on a un mode d’intervention à deux vitesses?» a-t-il demandé.

Intervention troublée

Mercredi soir, des agents de la Police de Lac-Simon avaient été appelés vers 19h30 pour un individu arpentant les rues en brandissant une arme blanche.

«Les policiers ont eu affaire à cet individu, qui avait une arme blanche à la main et qui présentait un danger», a raconté jeudi le sergent Benoît Coutu, de la SQ.

«Il y a eu un premier impact de l’auto-patrouille avec la victime et ensuite des coups de feu ont été tirés. La victime a été atteinte de projectiles, mais c’est l’enquête qui va déterminer qui a tiré et le nombre de coups de feu», a-t-il ajouté.

L’intervention a été compliquée par le fait que les policiers locaux ont aussi été pris à partie par des citoyens du territoire algonquin. Des renforts ont alors été demandés à la SQ.

«Pendant le tumulte, trois individus ont été arrêtés après avoir bousculé les policiers du Lac-Simon et ces trois individus devaient comparaître (…) pour avoir proféré des menaces aux policiers durant cet événement», a précisé le sergent Coutu.

Les policiers locaux ont par la suite demandé assistance à la SQ, qui s’est vu confier le mandat de maintenir temporairement la paix à Lac-Simon, qui est situé à une quinzaine de kilomètres à l’est de Val-d’Or.

L’enquête indépendante, elle, a été instituée à la demande du ministre Coiteux, une procédure automatique lorsqu’il y a mort d’homme impliquant un corps policier.

D’abord confiée à la SQ, l’investigation a finalement été remise entre les mains du Service de police de la Ville de Montréal, jeudi, à la demande de la SQ elle-même en raison des échanges survenus entre des agents du Lac-Simon et ceux du poste de la police provinciale dans la MRC de la Vallée-de-l’Or.

«Nobostant le fait que ces policiers n’étaient pas directement impliqués dans l’intervention, la SQ a communiqué avec le ministère de la Sécurité publique afin de l’informer de la situation et de demander à ce que l’enquête soit confiée à un autre corps de police dans le but de maintenir la transparence et l’indépendance de l’enquête», a déclaré le sergent Claude Denis, porte-parole de la SQ.

«Malgré cette situation, les policiers de la SQ continueront d’assurer la desserte du territoire de la communauté de Lac-Simon en appui au corps de police de Lac-Simon jusqu’à nouvel ordre», a-t-il ajouté.

Le ministre des Affaires autochtones, Geoffrey Kelly, a offert ses condoléances aux proches de la victime et à la communauté, mais s’est montré extrêmement prudent en commentant l’affaire.

«C’est un événement qui est très triste. On va attendre le rapport des policiers», a-t-il déclaré à l’Assemblée nationale.

Ghislain Picard, le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), s’est pour sa part dit très troublé par cette tragédie et a réitéré son appel à Martin Coiteux et à son homologue fédéral, Ralph Goodale, afin qu’ils examinent dès maintenant les problèmes de sécurité publique au sein des communautés autochtones.

«Nos populations sont prises en otage par des crises avec comme réponse, trop souvent, leur impuissance», a affirmé M. Picard dans un communiqué.

«Nous allons continuer d’exiger une enquête indépendante qui fera la lumière sur les relations entre les services policiers et nos populations», a-t-il poursuivi, ajoutant que l’APNQL persisterait aussi à réclamer que les corps policiers des Premières Nations bénéficient de la même reconnaissance et du même financement que les autres services de police de taille similaire.

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