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José Navas en sept Miniatures

Photo: Denis Beaumont/Métro

Cinq ans après sa création, José Navas reprend Miniatures, sa pièce la plus personnelle, la plus autobiographique. Sept tableaux, rythmés par sept musiques choisies, dans lesquels il se révèle petit peu par petit peu, pourvu qu’on y regarde de près. Pour marquer ce retour, le grand chorégraphe et danseur montréalais, qui parle avec une élégance qui n’a d’égal que son art, se livre en sept réflexions.

«Il faut que le soliste se déshabille de son ego, se déshabille de tout, et qu’on le voie tel qu’il est : vulnérable.»
Pour José Navas, le travail de soliste se trouve réellement dans une classe à part, «vraiment à côté du travail de groupe». Le fondateur et directeur artistique de la Compagnie Flak a lui-même eu un coup de cœur incroyable, une révélation, lorsqu’il a vu Risa Steinberg sur scène il y a très, très longtemps. «J’étais encore à l’école de danse, se souvient-il. Je commençais tout juste; elle était déjà dans la quarantaine. Risa a dédié sa vie au solo, et pour moi, elle a toujours été un exemple de passion et de compromis.» Selon lui, le danseur qui se présente seul devant public doit se mettre à nu, délaisser son ego pour réellement communier avec les spectateurs. «C’est seulement là que, en tant que public, on commence à regarder, à être dans le même espace.»

«J’espère danser très, très longtemps. Et je pense que ce sera ça, le côté intéressant : voir comment on peut chorégraphier un corps à 60, à 70 ans…»
José Navas s’interroge beaucoup sur le temps qui passe, les corps qui vieillissent, sur les interprètes qui continuent. «Quand on est danseur et qu’on a passé 35 ans, les gens pensent qu’on est mort! s’exclame-t-il. Même récemment, j’ai rencontré un confrère qui m’a dit : mais ce n’est pas normal que tu travailles encore! J’ai ri, je lui ai dit que je le trouvais drôle, mais honnêtement, qu’est-ce que ça veut dire, ‘‘normal’’?» De toute façon, dit-il, il n’y a pas que le corps qui danse, il y a surtout l’esprit. «Et l’esprit devient plus clair quand on devient plus vieux!»

«Devenir danseur, c’était un rêve pour moi… même si je ne savais pas exactement ce que c’était.»
Plus jeune, au Venezuela, José Navas rêvait de «faire un boulot dans lequel il pourrait produire de la poésie». «À 11 ans, j’ai lu la biographie d’Isadora Duncan et ça m’a marqué. C’était mon rêve de faire un travail comme ça.» C’était réellement un appel, alors? «Oui. J’ai commencé à 17 ans, très tard. Mais quand j’ai commencé, je n’ai plus arrêté. J’avais trouvé ma place.»

«J’ai quitté mon pays, ma famille et ma culture pour devenir danseur. J’ai sacrifié toute ma vie pour ça.»
Quelques fois, le mot ‘‘sacrifice’’ reviendra au cours de notre entretien. Un renoncement, aussi, la danse? «Oui. Il y a beaucoup de discipline, beaucoup d’absences. Quand on est loin, tout seul dans une chambre d’hôtel, il arrive qu’on se dise que, oui, on passe à côté de quelque chose!» Lui qui rit en disant qu’il est «marié à son travail depuis 20 ans», se souvient de l’instant précis où son histoire d’amour avec son art a commencé. «J’avais quitté mon pays. J’habitais à New York. Et je me suis dit : soit je me lance, soit je regarde. Je me suis lancé.»

«Les mouvements doivent être vus comme des mots. »
José Navas, qui, petit, rêvait de «produire de la poésie», en crée depuis deux décennies. Avec le corps. «Le mouvement pour le mouvement, c’est de la gymnastique. Des gens qui bougent dans l’espace. Mais si on traite les mouvements comme des mots, et que l’on prend le temps de construire, il y a des poèmes qui sortent.» Parce que, dit-il, si on va voir de l’art, c’est bien pour ça, non? «Pour pouvoir sortir de la salle et se dire : ‘‘Ma vie a changé. Un peu.’’»

«Il y a un effet au choc. Mais le choc a-t-il une longévité?»
Au moment de la création de Miniatures, le chorégraphe se souvient avoir été confronté au mouvement de la non-danse. La danse qui ne danse pas. Une tendance qui, de son propre aveu, le fatiguait beaucoup. «Je défends beaucoup la danse qui danse et la discipline en tant que telle. Il y a une grande force en elles.» Il se désole des productions où la technique est mise de côté au profit d’une secousse momentanée, un effet de choc qui, au final, s’oublie aussi rapidement qu’il survient. «Je trouve cela symptomatique du désir d’avoir les choses vite, du succès hâtivement. Alors que la longévité dans l’art, selon moi, survient lorsqu’on laisse place à l’humanité, à la communication, à la compassion, à l’empathie.»

«Aujourd’hui, j’ai envie de partager. »
Avec l’expérience – de vie, de scène –, avec le temps vient une certaine sérénité, un désir de pur partage. «Ça devient plus facile, pour moi, de me produire en public. Mais ce n’est pas tout d’être sur scène; il faut savoir se transformer devant les spectateurs aussi. Je trouve qu’après 20 ans, je commence à y parvenir.» Et avec Miniatures? «J’espère qu’il y aura quelques moments de grâce!»

Miniatures
À l’Agora de la danse
De mercredi à vendredi à 20 h

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