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Michel Duchesne, écrivain public

Photo: Daphné Caron/Urbania

Le Québec compte près de 50% d’analphabètes fonctionnels. En les aidant, Michel Duchesne leur donne «les mots pour le dire».

Comment êtes-vous devenu écrivain public?
J’ai toujours été auteur dans le milieu culturel. À un moment donné, j’ai eu envie d’être plus utile. J’ai réalisé que mon aptitude à écrire, que j’ai toujours tenue pour acquise, n’allait pas de soi pour d’autres et pouvait servir.

Qui sont les personnes que vous aidez?
Je ne suis pas spécialiste, mais je sais qu’il y a plusieurs degrés d’analphabétisme. Il y a des gens qui ne savent pas lire du tout; toutefois, ce n’est pas la majorité. La plupart lisent, mais avec beaucoup de difficulté. Ça semble abstrait, mais quand ils lisent devant toi, tu comprends comment ils décomposent tous les mots, syllabe par syllabe. À la fin de trois phrases, ils sont épuisés et ils n’ont rien retenu.

Comment les aidez-vous?
J’arrive avec mon portable au Chic Resto-Pop ou au centre communautaire, et les gens viennent me raconter leur histoire. Parfois, ils doivent remplir un formulaire, écrire une lettre à la Régie du logement, envoyer une mise en demeure. Un jeune homme m’a demandé de mettre sur papier un poème qu’il avait mémorisé pour sa blonde. C’est comme une consultation d’une heure, mais au lieu de repartir avec une prescription, ils repartent avec un texte, un formulaire rempli. Pour eux, souvent, c’est une montagne. Il y en a certains qui savent écrire au son, mais même avec le correcteur informatique, il reste encore des fautes. Si tu veux faire une mise en demeure ou une plainte à la Régie du logement et que tu fais une faute à tous les deux mots, tu perds de la crédibilité.

Ils sont conscients du pouvoir des mots même s’ils ne les maîtrisent pas?
Absolument. Un monsieur qui avait un dossier à la CSST était content parce que sa demande allait être plus percutante parce qu’elle était bien écrite. Tsé, quand Céline Dion dit «donne-moi des mots qui sonnent, des mots qui cognent», c’est un peu ça!

Les conseillez-vous aussi sur leur message?
Un peu, oui. Chacun vient avec son petit lot de colère, mais j’agis comme un filtre. J’ai un regard extérieur parce que je ne suis pas émotivement impliqué dans leur situation, même si parfois, leur histoire me fend le cœur parce que je sais que quelqu’un a voulu profiter de la personne parce qu’elle était démunie.

Qu’est-ce que ce métier vous a appris?
Ça m’a donné une meilleure compréhension des problèmes de la société: l’accès à l’emploi, la protection du consommateur, les problèmes de logement. Si t’as pas la richesse des mots, t’as pas les moyens de t’exprimer, de décrire ta souffrance. Malheureusement, je suis le seul à faire ça à Montréal, mais le problème est beaucoup plus grand, d’autant que je n’ai pas le temps de leur «apprendre à pêcher». Je suis un diachylon sur une hémorragie.

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