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Ezra Furman, électron libre

Photo: Collaboration spéciale

L’énigmatique musicien Ezra Furman joue sur la ligne floue entre glam-rock et doo-wop, masculin et féminin, inspiration et plagiat.

«Nous ne pouvons nous intégrer; nous nous dirigeons donc vers la marge», entonne l’auteur-compositeur, mais aussi crooner et rockeur flamboyant Ezra Furman sur Lousy Connection, chanson phare de son dernier album, Perpetual Motion People. L’indéchiffrable musicien basé à Oakland, que son équipe promotionnelle qualifie de «juif pratiquant, bisexuel et gender fluid» (c’est à dire : qui refuse toute frontière entre masculin et féminin), sera de passage à Montréal ce soir pour nous livrer le surprenant métissage de pop orchestrale, de folk, de doo-wop et de glam-rock qui caractérise sa troisième parution sous le nom d’Ezra Furman.

Légèrement déconcertant en entrevue, Furman donne rapidement le ton à notre entretien en m’avertissant qu’il analysera mon travail de journaliste. «Enregistres-tu cette conversation?» Euh, oui, je lui réponds. «Très bien, moi aussi. Je veux pouvoir te corriger au besoin. Si tu déformes mes propos, je le saurai!» Furman m’explique qu’il doit souvent composer avec les conséquences d’être mal cité par une presse expéditive. Voici donc un entretien placé sous le signe de la précision, de l’emprunt et de l’impulsion créative avec un musicien pas comme les autres.

Perpetual Motion People navigue entre aliénation indie-rock et une pop grandiose et un brin absurde. Comment êtes-vous arrivé à ce résultat?
Mes influences vont du chanteur de rhythm and blues Chuck Jackson à la formation alt-rock britannique Happyness, en passant par des vidéos YouTube d’enfants chantant du gospel. Je me suis rapidement laissé emporter par un tourbillon de vidéos d’enfants de huit ans chantant dans leur église ou chez Ellen DeGeneres.

Contrairement à de nombreux artistes, qui refusent de reconnaître leurs sources d’inspiration, vous estimez qu’une certaine forme de plagiat nourrit le processus créatif.
J’aime beaucoup plagier. Ça fait partie de la tradition musicale. Avec le folk, par exemple, tu n’écris pas une chanson, tu livres une version de quelque chose qui existe déjà. Tu peux affirmer que c’est ta composition parce qu’elle est suffisamment différente, mais ça demeure une adaptation de quelque chose qui l’a précédée. C’est une très bonne chose, selon moi.

Que pensez-vous des poursuites très médiatisées ces derniers temps, comme celle notamment intentée contre Blurred Lines, de Robin Thicke et Pharrell Williams, qui ont dû verser plus de 7 M$ à la succession de Marvin Gaye pour avoir plagié Got to Give It Up?
On se fait seulement poursuivre pour des œuvres gênantes, d’un point de vue artistique. Je n’aurais jamais écrit la chanson Stay With Me, de Sam Smith, par exemple, qui a connu des ennuis lorsque de nombreux mélomanes y ont reconnu I Won’t Back Down, de Tom Petty. Ça, c’était nul – pas parce que ce n’était pas original, mais parce que c’était trop évident.

«Nous n’avions pas de limite au moment de la création [de Perpetual Motion People]. Je ne voulais pas m’en tenir à une seule esthétique, ni m’empêcher d’explorer certaines zones. J’essayais tout, et si le résultat était concluant, ça se retrouvait sur l’album!» -Ezra Furman

L’an prochain, vous publierez un livre sur l’album Transformer, de Lou Reed. Comme toutes les autres parutions de la série 33⅓, consacrées à des disques ayant marqué l’imaginaire collectif, vous mettrez l’œuvre en rapport avec votre propre parcours musical.
Effectivement. Le style d’écriture que j’apprécie le plus, c’est celui qui se penche sur l’expérience subjective de l’auteur. Je vais parler de mon cheminement musical, de mon approche de l’écriture, de l’affirmation de mon identité queer et de toutes les facettes de ma vie qui ont été influencées par Lou Reed.

Vous avez déjà déclaré que, sans Lou Reed, vous ne seriez jamais devenu musicien. Pourquoi?
Il semblait si libre et affranchi de toutes les barrières. Il ne faisait partie d’aucune équipe. Il avait son groupe, mais c’était lui aux commandes, et il se tenait toujours loin des lieux communs. Il a démontré qu’il existe tant de façons de chanter une chanson et d’exister dans ce monde.

Ezra Furman
mardi à 21 h
Bar Le Ritz

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