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L’Afrique du Sud et sa révolution à finir

Photo: AP

Deux teintes de noir dominent le pays de la nation arc-en-ciel: l’ébène de la couleur de peau commune à 80% de la population sud-africaine, et le noir de leur misère qui persiste toujours, 20 ans après la mort de l’apartheid.

L’Afrique du Sud a donné au XXe siècle un géant politique, Nelson Mandela, dont la vie et l’action sont commémorées le 18 juillet, jour de sa date de naissance. Mais si la jeune démocratie sud-africaine peut se targuer d’être la plus stable d’Afrique, en grande partie grâce à Madiba, il n’en demeure pas moins que le pays est un des plus inégalitaires du monde, battu, sur ce palmarès de la honte, par le Lesotho seulement, selon les données compilées par la CIA.

«La promesse de la nation arc-en-ciel ne pourra jamais se réaliser si une majorité de la population vit dans la pauvreté alors qu’une minorité s’enrichit», explique Dan O’Meara, directeur de recherche au Centre d’études de politiques étrangères et de sécurité de l’UQAM.

Selon celui qui fut membre pendant 20 ans de l’ANC – ou Congrès national africain, le parti au pouvoir depuis les premières élections libres, tenues en 1994 –, la victoire du peuple sur le racisme institutionnalisé n’a pas réussi à sortir la majorité des Sud-Africains de leur misère, à tel point que la révolution incarnée par Nelson Mandela est, deux décennies plus tard, une révolution «inachevée».

«Le miracle sud-africain repose sur un compromis: les Blancs ont accepté de céder le pouvoir politique à condition de garder le pouvoir économique, qu’ils ont partagé avec une infime minorité de Noirs qui sont aujourd’hui aux commandes du pays.»

M. O’Meara souligne que le président actuel, Jacob Zuma – qu’un parfum de corruption ne quitte jamais depuis qu’il a été accusé d’avoir rénové son domaine avec des fonds publics, à hauteur de 20 M$US –, représente cette classe de privilégiés qui se sont enrichis après l’apartheid.

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«Sous Zuma, l’ANC est devenu un parti incarnant une droite identifiée à l’ethnie zoulou dont il est issu. Les enjeux ethniques n’ont jamais été cruciaux en Afrique du Sud. Mais ils commencent, tranquillement, à le devenir», s’inquiète M. O’Meara.

Pendant ce temps, plus du tiers des Sud-Africains souffrent du chômage. Leur espérance de vie de 49 ans, classée au 222e rang mondial, est moins élevée que celle des Afghans, en guerre depuis des décennies. Et la violence endémique qui fait rage en Afrique du Sud fait qu’on y meurt plus souvent que partout ailleurs dans le monde, quand on n’y agonise pas du sida, qui y infecte une personne sur cinq.

«La grogne gronde dans le pays, et il y a un grand vide dans le paysage politique, indique M. O’Meara. L’ANC domine tellement présentement, que seul une union de l’opposition ou un effritement interne du parti pourrait laisser place au renouvellement».

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