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Lumière sur l’eau

Je vous écris depuis Waswanipi, communauté où je puise mes origines. Waswanipi vient de «washaw nipi», qui signifie «lumière sur l’eau». Mes ancêtres pêchaient la nuit, avec une torche au bout de leur canoë pour attirer les poissons. Ma communauté et ses visages familiers me font du bien. Chaque fois que je mets les pieds ici, ce sont de grandes retrouvailles. Waswanipi, c’est aussi un grand coup d’humilité. J’ai tant de choses à apprendre, tant de choses que j’ai manquées.

L’autre jour, j’étais assise à boire les paroles de Paul Dixon et ma slush du dépanneur à côté de l’ancienne maison de ma grand-mère. Paul connaît bien ma famille et ses histoires les plus épiques. Lorsque je ne sais plus où donner de la tête, j’ai les récits de Waswanipi pour retrouver mon chemin. Il vient un temps pour tous les militants de se demander si ce qu’on fait est réellement pertinent, si le travail dans lequel on met tant d’énergie a ne serait-ce qu’un peu d’impact. Je disais à Paul qu’être ici me remet en question, que mes aspirations ne sont plus les mêmes. Voir les aînées tisser des raquettes sur le bord de la rivière Waswanipi est un rappel que j’en sais beaucoup sur ma culture, mais pas assez. J’ai perdu mon nord.

Au fil de mes réflexions qui me tiennent éveillée la nuit, j’ai conclu que je voulais continuer à écrire. L’écriture est mon exutoire et j’aime vous partager des choses. Parfois, j’aimerais vous en dire plus, mais certaines histoires ne peuvent être partagées durant certaines saisons. J’ai aussi conclu que je voulais passer du temps en territoire traditionnel. Ici, on vit au rythme des saisons et, surtout, on se donne le temps de guérir.

Paul m’a dit qu’avant de faire un choix de carrière, je devais peut-être avoir mes deux pieds solidement ancrés ici. C’est pas fou. Peut-être que prendre une pause de la vie effréné qu’oblige à vivre Montréal est nécessaire. J’ai la chance d’avoir des oncles qui connaissent bien la forêt. Paul dit que, si mes oncles et mon père sont si talentueux, c’est parce qu’ils viennent d’une famille de tallymen [maîtres trappeurs, NDLR]. C’est vrai que la forêt est capable de donner les meilleures leçons d’humilité.

Il fait doux à Waswanipi. Les outardes vont bientôt arriver en Eeyou Istchee, et comme la majorité des membres de mon peuple, j’irai les accueillir. Les outardes ont quelque chose de réconfortant, car même si on ne les voit pas toute l’année, on sait qu’elles reviennent toujours. Au fond, elles me font penser à moi et aux grandes migrations que j’entreprends à travers mon territoire et mon identité.

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