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Apple vs Samsung: réflexions d’après-procès

Après une délibération beaucoup plus courte que prévu, le jury a rendu son verdict vendredi dernier dans le procès opposant les deux géants de la technologie Apple et Samsung aux États-Unis, et Apple l’a emporté sur (presque) toute la ligne. Voici quelques réflexions par rapport à ce procès qui pourrait avoir des répercussions majeures dans l’industrie des téléphones intelligents pour encore plusieurs années.

1: il n’y a aucun doute que Samsung s’est inspiré d’Apple
Il faut vraiment être de mauvaise foi pour ne pas avouer que Samsung s’est abondamment inspiré d’Apple, tout particulièrement dans la conception du Samsung Galaxy S original. L’appareil ressemble fortement à l’iPhone 3G, ce qui n’était pas le cas de leurs téléphones précédents, et certains courriels internes de Samsung dévoilés par Apple pendant le procès étaient tout à fait accablants.

2: il est difficile de se mélanger entre un téléphone de Samsung et un iPhone
Un des éléments importants du procès a été de savoir si les consommateurs étaient mêlés entre les appareils des deux compagnies. Ce fut le cas selon le jury, mais pour certains appareils seulement, ce qui aurait notamment eu pour effet de «diluer» la marque d’Apple. Sur ce point, je suis beaucoup moins d’accord avec eux.

Est-ce que des gens ont déjà été mélangés entre un téléphone de Samsung et un iPhone? Probablement. Mais ces personnes auraient sûrement aussi confondu un iPhone et n’importe quel autre téléphone sur le marché de toute façon. Car malgré les ressemblances de certains téléphones Samsung à l’iPhone, les différences sont aussi très évidentes, et la marque est quand même très bien indiquée sur ceux-ci.

Si quelqu’un est déjà arrivé chez lui avec un Samsung Galaxy S en pensant que c’était un iPhone, le vendeur était probablement bien plus à blâmer que Samsung directement.

3: l’argument du « 5 ans à développer contre 3 mois à copier » doit être pris avec un grain de sel
Apple a frappé l’imaginaire des jurés en affirmant que la compagnie avait pris 5 ans à développer l’iPhone, alors que Samsung n’a eu besoin que de trois mois pour le copier.

C’est peut-être vrai, mais il ne faut pas oublier qu’Apple partait de zéro, alors que Samsung produisait déjà des téléphones intelligents. Il est donc tout à fait normal qu’il y ait une différence de temps importante entre les deux.

Cela ne veut pas dire que Samsung ne s’est pas inspiré d’Apple, seulement que cet argument (souvent répété dans les médias), n’est pas le plus pertinent du lot.

4: la véritable question est en fait : jusqu’à quel point est-ce que Samsung aurait dû avoir le droit de s’inspirer d’Apple.
Pour gagner sa cause, Samsung a tenté de faire invalider certains brevets d’Apple de plusieurs façons pendant le procès. Pour le brevet 381 («bounce-back») concernant la façon dont l’écran de l’iPhone semble rebondir lorsqu’il arrive au bout d’un défilement, Samsung a par exemple démontré que cette caractéristique existait déjà avant le téléphone d’Apple, sur un obscur appareil dont personne ne se souvient vraiment.

Honnêtement, je me fous un peu de savoir si la caractéristique existait déjà ailleurs. Ce qui m’intéresse surtout, c’est de savoir si une caractéristique du genre devrait pouvoir être brevetée ou non.

Malheureusement, le jury n’a pas eu à débattre des concepts les plus intéressants de cette affaire : jusqu’à quel point devrait-on avoir le droit de s’inspirer d’un concurrent? Ou, plus concrètement, devrait-il y avoir une limite à ce qui peut être breveté?

Le brevet par rapport au design de la face avant de l’iPhone (667) protège par exemple quelques traits du téléphone, notamment sa couleur noire et son écran «centré», deux caractéristiques qui sont, avouons-le, loin d’être originales. Bien sûr, il faut prendre l’ensemble du brevet en considération, et non chacune des caractéristiques séparées, mais quand même. Le fait que la couleur puisse être liée d’une façon ou d’une autre à un brevet du genre me fascine.

Une compagnie ne devrait pas pouvoir en copier une autre à outrance, je suis tout à fait d’accord. Mais une certaine forme d’inspiration a aussi du bon, surtout pour le consommateur.

Ce procès m’a surtout fait réaliser à quel point les balises entourant ces droits et ces restrictions sont floues, ou plutôt à quel point elles n’ont jamais réellement été débattues dans le contexte actuel des choses.

Avec un peu de chance, c’est peut-être ce qui sera fait lorsque la cause sera vraisemblablement entendue à nouveau dans les cours supérieures d’ici les prochains mois.

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