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Débâcle Instagram: un parallèle avec le journalisme indépendant

Alors comme ça, Instagram vient de modifier ses conditions d’utilisation pour se donner le droit de revendre vos photos. Je n’ai qu’une question à vous poser: êtes-vous vraiment surpris?

La nouvelle politique d’Instagram devrait entrer en vigueur le 16 janvier prochain. En plus de lui permettre de revendre vos œuvres (sans vous donner d’argent en contrepartie), la compagnie facilite le partage d’informations entre Instagram et Facebook pour contrer notamment le spam.

Voilà maintenant plusieurs années que de nombreux réseaux sociaux ajoutent subtilement des clauses du genre dans leurs conditions d’utilisation. En gros, il s’agit pour eux d’un moyen de se protéger au maximum, et de conserver le plus de portes ouvertes possibles.

Dans les faits, Instagram ne vendra pas vos photos. Si la compagnie le faisait, elle signerait instantanément son arrêt de mort. La compagnie pourrait par contre utiliser cette clause si elle décidait de faire une publicité en ligne avec un collage d’utilisateurs (mais encore là, j’en doute très fortement), ou d’autres utilisations connexes du genre.

Malheureusement, les compagnies se permettent ce genre d’excès qui ne leur rapporte souvent à peu près rien parce que dans les faits (du moins les clauses les plus décriées), cela leur permet de se protéger pour le futur, sans affecter leur popularité actuelle.

Oui, les utilisateurs se plaignent présentement contre Instagram à tous les coins du web. Mais les utilisateurs se sont aussi révoltés abondamment à chaque changement de Facebook, et le réseau social de Mark Zuckerberg compte quand même aujourd’hui 1 milliard d’abonnés.

Dans ces conditions, êtes-vous surpris qu’Instagram (une filiale de Facebook) se donne des droits du genre?

Pas moi.

Un parallèle à tirer avec le journalisme indépendant
J’ai siégé sur le conseil d’administration de l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) de 2008 à 2012, et il y a un parallèle intéressant à tirer entre ces conditions d’utilisation abusives et les contrats abusifs auxquels les journalistes pigistes sont trop souvent confrontés au Québec.

Tout comme les compagnies techno, beaucoup d’éditeurs exigent la lune dans leurs contrats. Et malheureusement, j’exagère à peine!

Beaucoup d’ententes exigent en effet que les journalistes cèdent leurs droits d’auteur, leurs droits moraux (ce qui permet à l’éditeur de changer ce qu’il veut dans un texte, même le sens, et de l’utiliser dans un autre contexte, dans une publicité, par exemple), à perpétuité, de façon irrévocable, dans toute les langues, sur toutes les plateformes et pour le monde entier –on m’a même déjà demandé de céder mes droits pour l’univers!

Pourquoi est-ce que les compagnies demandent de telles choses?

Dans 99,99% des cas, pour absolument rien. Un magazine à potins n’a certainement pas l’intention de revendre vos brèves sur Guillaume Lemay-Thivierge au Japon, et une analyse sur les 100 premiers jours de Pauline Marois au pouvoir, aussi intéressante soit-elle, n’intéresse pas grand monde en dehors du Canada.

Les entreprises exigent ces droits «au cas où». Des fois qu’une offre qu’ils ne peuvent refuser leur tombe entre les mains… Des fois que leur entreprise est vendue et qu’une protection légale béton soit un bon argument de vente… Des fois que…

Surtout, les éditeurs abusifs (heureusement, certains sont toujours très raisonnables) exigent ce genre de contrat parce qu’ils en ont le pouvoir.

Ils l’exigent parce qu’ils savent que la personne qui tient le crayon au bout n’a souvent guère d’autres choix ou qu’elle préfère avoir un mauvais contrat qu’aucun contrat du tout.

Tout comme les utilisateurs de Facebook, qui préfèrent avoir de mauvaises conditions d’utilisation que de ne pas avoir Facebook du tout.

Et c’est exactement la même chose qui va se produire avec Instagram.

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