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Un demi-million d’incidents médicaux par année au Québec

Photo: Denis Germain/TC Media
Marc-André Pelletier - TC Media

Plus de 1500 incidents ou accidents sont rapportés chaque jour dans les établissements de santé au Québec, soit plus d’un demi-million de cas par année. Même si c’est dans la région de Montréal que surviennent le plus d’erreurs en nombre absolu, c’est dans la région de la Capitale-Nationale qu’on retrouve la plus grande concentration d’incidents: un citoyen sur cinq y est touché par un accident ou un incident.

Les régions de l’Outaouais et de Laval affichent quant à elles les meilleurs résultats, à peine 3% de la population y ayant subi une erreur, révèlent des données compilées par TC Media.

Le tiers de tous les événements rapportés au Québec survient dans la région de Mont­réal. La métropole représente toutefois près du quart de la population provinciale (1 958 257 habitants), ce qui a certainement un impact sur le calcul des données obtenues auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux. Fait à noter, le ministère ne répertorie que le nombre d’incidents ou d’accidents par rapport à la population des différentes régions du Québec, et non par rapport au nombre de gens qui se sont présent��s dans des établissements hospitaliers.

Au prorata de sa population (701 204 personnes), la région de la Capitale-Nationale arrive en tête du palmarès des erreurs du personnel médical, près d’une personne sur cinq y étant touchée en moyenne par un accident ou un incident.

L’Estrie (7,4% de la population) et l’Abitibi-Témiscamingue (7%) complètent le podium des régions où on retrouve le plus de cas, toutes proportions gardées.

Entre 2011 et 2013, le nombre d’événements (calculé sur six mois) a bondi de 27%, passant de 179 011 à 227 597. Il est toutefois difficile d’établir si cette hausse s’explique par un plus grand nombre d’erreurs ou simplement par davantage de dénonciations.

Par catégorie d’établissements, le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) (2702 cas) est l’endroit où il se produit le plus d’accidents et d’incidents sur une période de six mois.

«Les hôpitaux attirent davantage de clientèle et le réseau gère mal, particulièrement en région, la pénurie d’employés, ce qui mène à un dysfonctionnement du système.» – Me Jean-Pierre Ménard, avocat spécialisé en droit de la santé

Pour une surveillance élargie
Le Collège des médecins croit que le Québec ne fait «ni pire ni mieux» qu’ailleurs en ce qui concerne le nombre d’incidents ou d’accidents rapportés dans le réseau de la santé. Toutefois, le Collège souhaiterait que le réseau soit mieux surveillé et que cette surveillance s’étende à l’extérieur des centres hospitaliers et des CHSLD.

Le rapport de fautes actuel s’intéresse particulièrement à ces deux types d’établissement, et très peu à ceux qui gravitent autour du système.

«Il faut, d’une part, rendre les professionnels imputables de leurs erreurs, et d’autre part, il faut le faire aussi avec tous les autres acteurs du système, tous ceux qui pourraient tenter de cacher une erreur, et ça inclut les avocats et les établissements qui s’entendent hors cour pour régler une cause. Je suis pour une imputabilité élargie qui s’étendrait à tout le milieu des soins, dont le milieu extrahospitalier», dit le Dr Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins.

Selon lui, le document gouvernemental faisant état des accidents et des incidents survenus lors de la prestation des soins de santé est un bon départ, mais il faut faire davantage.

«On doit envisager d’inclure les interventions pratiquées à l’extérieur des centres de soins, qui ne sont pas répertoriées pour l’instant, estime le Dr Robert. Le rapport est un premier pas, sa production fait en sorte que les erreurs sont rendues publiques, mais on se fie sur la bonne volonté des gens et des établissements afin qu’ils recensent les accidents et les incidents. En plus, il y a relativement peu de temps qu’on leur demande de faire ça (NDLR: La mesure a été implantée en 2011.) C’est une bonne chose, parce que ça permettra éventuellement d’établir des comparaisons, mais il faudra plusieurs années de pouvoir le faire.»

L’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) ne s’inquiète pas, pour sa part, de la quantité d’accidents et d’incidents qui surviennent dans le réseau de la santé québécois chaque année.

Même si elle affirme se préoccuper du nombre de faux pas, la présidente de l’Ordre, Lucie Tremblay, croit que ses membres font tout en leur pouvoir pour que ce nombre soit réduit au minimum.

Établir une responsabilité

L’avocat le plus connu et reconnu au Québec en matière de protection des victimes d’erreurs médicales, Jean-Pierre Ménard, n’est pas tendre à l’endroit du réseau de la santé, qui ne se soucie pas suffisamment des patients, selon lui.

«Il faut pouvoir établir la responsabilité médicale de ceux qui commettent ces erreurs. Il faut plus de transparence, plus d’imputabilité et plus de respect envers les patients. C’est du gaspillage économique. Ce n’est pas acceptable qu’une personne soit malade à la suite des soins qu’on lui a prodigués», tranche celui qui a pris part à plus de 6000 causes touchant des erreurs médicales en carrière.

«Il y a des cas de médecins problématiques qui changent de région pour se faire oublier. Mais il y a aussi des médecins bien intentionnés qui pratiquent dangereusement parce qu’ils vont trop vite, qu’ils n’ont pas toutes les connaissances nécessaires ou encore parce qu’ils n’écoutent pas le patient», estime Me Ménard.

Poursuivre ou ne pas poursuivre…
Plusieurs se posent – ou se sont posé – la question suivante: ai-je assez d’énergie à investir pour obtenir réparation? Et si oui, le jeu en vaut-il la chandelle? «C’est une décision très personnelle», lance d’emblée Me Ménard.

«Ça dépend toujours de l’importance du préjudice causé, des dommages subis. Il faut voir si ça affecte beaucoup la vie du patient touché. Quand les dommages sont substantiels, ça peut valoir la peine», ajoute Me Ménard.

«Je pense que si on décide de poursuivre, on doit d’abord le faire pour éviter que ce qui nous est arrivé arrive aux autres. Il y a une notion d’imputabilité là-dedans. On veut que les gens sachent et que les responsables regrettent leurs gestes», explique-t-il.


Données du ministère de la Santé, compilées entre les mois d’avril et de septembre, de 2011 à 2013.

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