La Fraternité des policiers de Montréal refuse toujours de reconnaître le racisme systémique au sein du SPVM, déplorent neuf policiers noirs dans une lettre envoyée à Yves Francoeur, président de leur syndicat.
La lettre, dont Métro a obtenu copie, a été écrite en réaction à deux entrevues données par M. Francoeur le 20 juin dernier dans lesquelles il affirmait qu’il n’y avait pas de problème de racisme systémique et de profilage racial au sein du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
Quelques jours plus tôt, la direction du SPVM avait pourtant reconnu «le caractère systémique du racisme et de la discrimination», tout en s’engageant à agir pour les combattre.
«On a été surpris que vous ne croyiez pas qu’il y ait un problème de racisme systémique et de profilage racial au sein du SPVM. (…) [M]onsieur Francoeur, le racisme n’épargne pas le SPVM. Fait d’une minorité, il jette le discrédit sur toute l’organisation», peut-on lire dans la lettre, qui a été envoyée au président de la Fraternité des policiers le 24 juin.
«Reconnaître un problème c’est le premier pas vers la solution; nous aimerions que la Fraternité se penche aussi sur la problématique», ont aussi écrit les neuf signataires.
Réaction
Yves Francoeur leur a répondu dans une missive envoyée le 26 juin.
«En contexte policier, beaucoup comprennent de l’expression racisme systémique que tout le monde est impliqué dans une forme de système délibérément raciste, ce qui, en plus d’être faux, est outrageant pour les policiers et policières de Montréal. Nous avons donc délaissé la sémantique pour éviter de nous diviser sur une expression», a écrit le président de la Fraternité.
Yves Francoeur ajoute que ses sorties médiatiques étaient destinées à «défendre la majorité de policiers» sur laquelle une petite minorité pratiquant le profilage racial jette le discrédit».
«Nous sommes au fait de la réalité, indépendamment de comment on la nomme. Pour nous, l’important est de combattre le racisme et la discrimination en nos rangs.»
Dans la mauvaise direction
Alain Babineau, conseiller du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR) et ancien policier, a critiqué la réaction de la Fraternité en point de presse, dimanche.
«Encore une fois, ils ont tellement peur que les membres se sentent attaqués comme étant des racistes qu’ils vont dans la direction opposée complètement, en disant qu’il ne s’agit que des quelques pommes pourries dont ils vont s’occuper.»
«Ils ne veulent pas reconnaître ni prendre le temps d’expliquer la différence entre systématique et systémique. On est devant un mur», a soutenu celui qui a passé près de 30 ans au sein de la Gendarmerie royale du Canada.
Le policier à la retraite croit que cette position pourrait ternir l’image du SPVM au Canada et nuire à ses efforts pour engager des policiers issus de communautés culturelles.
«Au cours de ma carrière de près de 30 ans dans les forces policières, j’ai rencontré beaucoup de Québécois noirs qui ont choisi de s’expatrier pour rejoindre d’autres forces de police, a-t-il noté. Le SPVM a un sérieux problème d’image pour attirer des policiers noirs ou d’autres communautés.»
Selon le rapport annuel 2018 du SPVM, seulement 268 policiers du SPVM étaient issus de minorités visibles, soit 8,5% de l’effectif total.
«La Fraternité défend la majorité de ses membres et la majorité sont Blancs, a affirmé M. Babineau. C’est bien de prendre position pour dire qu’ils ne sont pas racistes. Mais il faut quand même qu’ils prennent une position plus ouverte aux sentiments des membres noirs du SPVM. Sinon, ils ne les représentent pas.»