Afin d’éviter que des locataires montréalais déménagent à l’extérieur de la métropole, des propriétaires envisagent de ne pas hausser leurs loyers en 2021, voire de réduire ceux-ci. Pendant ce temps, des organismes pressent Québec d’adopter un gel des loyers à l’échelle de la province.
Le développeur immobilier Mondev a causé la surprise, plus tôt cette semaine, en annonçant qu’il gèlera le prix de ses loyers en 2021. Une mesure qui bénéficiera à plus de 1500 locataires résidentiels répartis dans différents quartiers centraux de la métropole, incluant entre autres Ville-Marie, Griffintown et le Vieux-Montréal, qui verront leur loyer mensuel stagner l’an prochain.
Par voie de communiqué, l’entreprise a associé cette initiative à la décision prise par la mairesse de Montréal, Valérie Plante, de geler les taxes foncières gérées par la ville-centre en 2021.
«C’est sûr que les taxes [foncières] sont 100% transférables aux locataires, donc moins il y a d’augmentations de taxes, moins les hausses de loyers sont justifiables pour les propriétaires», soulève à Métro le porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires (RCLALQ), Maxime Roy-Allard. C’est particulièrement le cas pour les logements récents, qui n’ont pas besoin de rénovations majeures qui pourraient justifier des hausses de loyers, ajoute-t-il.
Une tendance?
Métro a tenté de joindre plusieurs développeurs immobiliers à Montréal pour savoir s’ils envisagent, eux aussi, d’appliquer un gel de leurs loyers l’an prochain, en vain.
«La tendance, c’est de ne pas augmenter les loyers [en 2021]. Et en plus, la majorité des propriétaires sont prêts à négocier une baisse des loyers pour certains locataires, afin de les garder», affirme toutefois à Métro le promoteur immobilier Peter Sergakis, qui possède des milliers de logements à Montréal.
Celui-ci entend d’ailleurs lui-même appliquer un gel ou une baisse des loyers pour ses logements locatifs qui «sont au prix du marché». Il précise toutefois qu’il pourrait demander une «petite augmentation» à certains de ses locataires, présents depuis longtemps dans un même logement, et qui paient donc actuellement un loyer inférieur à sa valeur marchande.
«Il faut que tout le monde passe au travers de cette pandémie. C’est malheureux ce qui se passe, souligne celui qui est aussi président de l’Union des tenanciers de bars du Québec. C’est la panique totale et les locataires ont de la misère aussi.»
Imiter l’Ontario
M. Sergakis souligne aussi l’intérêt des propriétaires d’éviter le départ de leurs locataires montréalais vers la banlieue.
«Stratégiquement, s’ils veulent garder leurs locataires, [les propriétaires] doivent aussi faire des compromis», estime d’ailleurs M. Roy-Allard. Ce dernier doute néanmoins que le rapport de force entre les locataires et les propriétaires ait «beaucoup changé» depuis le début de la crise sanitaire. Selon les dernières données disponibles, qui datent de janvier dernier, seulement 1,5% des logements locatifs dans le Grand Montréal seraient disponibles, du jamais vu en 15 ans.
Au lieu de compter sur «la charité des propriétaires», le RCLALQ presse donc Québec d’emboiter le pas à l’Ontario. Le gouvernement de Doug Ford y a récemment adopté une loi qui vient interdire les hausses de loyers pour tous les logements résidentiels en 2021, sauf quelques exceptions. Ce gel sera en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.
«Dans le contexte de pandémie, ce serait justifié de geler les loyers [au Québec], si on veut permettre à une bonne partie de la population de faire face à la pandémie», croit aussi la porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain, Véronique Laflamme.
Signe des impacts de la pandémie sur la situation financière des Montréalais, le nombre de demandes an aide alimentaire au 211 était toujours, en août, près du double du nombre enregistré en février, selon des données compilées par l’Observatoire québécois des inégalités.
«Il faudrait que l’État oblige les propriétaires à geler les loyers, en attendant qu’on ait un véritable contrôle des loyers.» -Maxime Roy-Allard, porte-parole du RCLALQ
Québec à l’écoute
En mars, plusieurs locataires au Québec avaient menacé de ne pas payer leur loyer du mois d’avril, en raison des impacts de la crise sanitaire sur leur situation financière. Le gouvernement Legault a ensuite mis en place des mesures pour aider les locataires, notamment en leur offrant un prêt sans intérêt de 1500$ pour les aider à payer leur loyer en mai et en juin.
Contacté par Métro, le cabinet de la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, a affirmé que ce programme a permis d’aider «près de 2000 ménages» cet été. Il ne s’est toutefois pas avancé sur la possibilité d’interdire les hausses de loyers en 2021.