Alors que le prolongement prévu du Réseau express métropolitain (REM) dans l’est et le nord de l’île soulève maintes inquiétudes, l’organisme responsable de la planification du transport en commun dans le Grand Montréal affirme qu’il aura son mot à dire pour assurer une bonne «intégration» du futur train léger dans la métropole.
À la mi-décembre, la filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec responsable du REM, CDPQ Infra, a annoncé en grande pompe le prolongement du REM en deux tronçons qui se dirigeront vers l’est et le nord-est de Montréal. Le projet de 23 stations, réparties sur 32 km, est évalué provisoirement à 10 G$, soit nettement plus que la première phase du projet de train léger, actuellement en cours. Les travaux pourraient débuter dès 2022, pour une mise en service prévue en 2029.
Dans les dernières semaines, ce projet a toutefois soulevé de nombreuses inquiétudes et critiques. Plusieurs architectes et urbanistes ont entre autres évoqué le risque que les structures aériennes imposantes qui prendront forme au centre-ville de Montréal viennent affecter grandement le paysage du secteur.
D’autre part, ce projet viendra dédoubler plusieurs infrastructures de transport existantes ou en voie de prendre forme. Une partie du tracé se trouvera à proximité du service rapide par bus (SRB) du boulevard Pie-IX, qui entrera en fonction en 2023. Ce prolongement du REM longera aussi sur plusieurs kilomètres la ligne verte du métro, entre la station Honoré-Beaugrand et le centre-ville.
Où est l’ARTM?
Dans ce contexte, plusieurs experts ont questionné l’absence de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) dans la conception de ce projet. C’est pourtant elle qui est responsable depuis 2017 de la planification du transport en commun dans le Grand Montréal.
«C’est comme si deux pilotes organisaient le développement du transport collectif dans la région métropolitaine de façon indépendante. On ne peut pas permettre ça», a notamment soulevé la professeure au Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM, Florence Junca-Adenot, en entrevue à Métro cette semaine.
«L’ARTM ne semble pas être au cœur de la prise de décision [sur le REM de l’Est]», a aussi évoqué jeudi l’expert en planification des transports à l’Université de Montréal, Pierre Barrieau.
Un projet à bonifier
En entrevue à Métro, jeudi, le directeur général de l’ARTM, Benoît Gendron, a toutefois assuré que l’organisation aura son mot à dire dans ce prolongement du REM. Il précise d’ailleurs que la présentation réalisée par CDPQ Infra en décembre ne représente que «la phase de démarrage» de cet immense projet.
«Là, on va tomber dans la phase de planification, dans laquelle on va travailler de concert avec l’ensemble [des sociétés de transport] pour veiller à toute l’intégration avec les réseaux existants. On parle d’intégration, mais je dirais aussi de bonification, parce qu’il y a énormément de demandes qui nous sont acheminées dans le cadre de la consultation sur le Plan stratégique [de développement du transport collectif]», explique-t-il.
Depuis le début de cette consultation, le 13 janvier, l’ARTM a en effet reçu plusieurs demandes de prolongement du REM. Des élus municipaux réclament notamment au moins une station additionnelle dans le quartier Rivière-des-Prairies. La Table des préfets et élus de la couronne nord souhaiterait pour sa part qu’une branche du REM prenne forme dans l’axe est-ouest de l’autoroute 640, entre Oka et Terrebonne.
«Tout ça va devoir être analysé», ajoute M. Gendron.
«On les paie, en bout de ligne»
Benoît Gendron indique par ailleurs que l’ARTM s’assurera que cette nouvelle branche du REM «s’intègre» bien au réseau de transport existant de Montréal. Un pouvoir que détient l’ARTM en tant que responsable du financement du transport en commun dans la région, laisse-t-il entendre.
«On les paie, en bout de ligne. Pour nous, [CDPQ-Infra], c’est comme une cinquième [société de transport] avec laquelle il y a une entente d’intégration pour laquelle on la paie pour les services rendus», affirme-t-il. Bref, le maître d’oeuvre du REM aura des comptes à rendre à l’ARTM.
Le confinement fait chuter l’achalandage
Benoît Gendron a par ailleurs indiqué à Métro que l’achalandage du transport en commun dans le Grand Montréal se situe actuellement à moins de 25% de ce qu’il était avant la pandémie. C’est nettement moins que la cible de 50% qu’espérait atteindre l’ARTM d’ici la fin de 2020. La deuxième vague du coronavirus et le nouveau «confinement» qui a suivi ont toutefois limité cette reprise, explique-t-il.
Quant au couvre-feu, il constate que le réseau de transport en commun n’est pas aussi vide qu’on pourrait le croire, après 20h. «Il y a quand même un bon achalandage [pendant le couvre-feu]. Il y a beaucoup de travailleurs essentiels qui ont des horaires atypiques, en dehors des heures de bureau», évoque-t-il.
L’ARTM n’entend donc pas réduire la fréquence des bus ni du métro pendant le couvre-feu, indique M. Gendron.
«On doit maintenir un niveau de service pour assurer une offre de transport à ces gens-là.» -Benoît Gendron, directeur général de l’ARTM