Les propriétaires d’au moins deux hôtels montréalais ont décidé de se tourner vers les tribunaux pour tenter d’obtenir l’annulation de leurs comptes de taxes municipales pour l’année 2020. Ils font valoir que la pandémie a fait chuter la valeur foncière de leurs immeubles, a constaté Métro.
Un hôtel de la chaîne Courtyard by Marriott, situé à Baie-D’Urfé, dans l’ouest de l’île, est l’un deux. En janvier 2020, l’immeuble de sept étages a vu sa valeur foncière grimper de 25%, à 18,75 M$.
Or, quelques mois après l’entrée en vigueur du plus récent rôle d’évaluation foncière de la métropole, la pandémie a frappé. Dans une demande introductive d’instance déposée récemment à la Cour supérieure du Québec, l’hôtel allègue que les mesures sanitaires imposées par Québec en mars «ont eu des impacts sérieux sur les activités commerciales pouvant se dérouler dans l’immeuble».
Par conséquent, la valeur de cet hôtel, comme plusieurs autres dans la province, a connu «une diminution importante», peut-on lire dans le document. En se tournant vers les tribunaux, les propriétaires de l’établissement espèrent ainsi forcer la Ville de Montréal à réviser à la baisse sa valeur foncière. Ils réclament aussi l’annulation des comptes de taxes municipales et scolaires émis pour cet immeuble depuis janvier 2020.
«Un fardeau» important pour les hôtels
Situé plus à l’Est, dans l’arrondissement de Saint-Laurent, l’Hôtel Crowne Plaza a lui aussi fait une demande introductive d’instance pour les mêmes motifs, en ayant recours au même cabinet d’avocats. L’hôtel de neuf étages, situé à sept kilomètres de l’aéroport Montréal-Trudeau, a durement écopé de la chute du tourisme depuis le début de la crise sanitaire.
En faisant appel aux tribunaux, les propriétaires de cet hôtel espèrent économiser plusieurs centaines de milliers de dollars en taxes municipales, alors que la valeur foncière inscrite au rôle de la Ville pour ce bâtiment est de 24,7 M$.
Au moins un autre hôtel pourrait s’ajouter à cette liste, par le biais d’un autre cabinet, selon nos informations. Des hôtels situés dans la région de Québec ont aussi tenté d’obtenir l’annulation de leurs taxes municipales.
«La pandémie, avec tous les décrets gouvernementaux qui ont fermé les frontières, […] mis en place la distanciation sociale et […] fermé les restaurants, fait en sorte que la situation dans les hôtels, elle est catastrophique. Il en résulte une diminution de la valeur foncière de ces immeubles», analyse elle aussi la présidente-directrice générale de l’Association des hôtels du Grand Montréal (AHGM), Ève Paré, en entrevue à Métro.
À Montréal, la taxation foncière imposée annuellement aux hôtels équivaut en moyenne à environ 5000$ par chambre, selon cette association, soit nettement plus que les autres grandes villes canadiennes, comme Toronto et Vancouver.
Or, en raison de la pandémie, plusieurs établissements de la métropole n’ont même pas réalisé suffisamment de revenus l’an dernier pour payer leur compte de taxes municipales. Ils se retrouvent ainsi au pied du mur.
«Le fardeau foncier, c’est ce qui va étouffer les établissements hôteliers.» -Ève Paré, présidente-directrice générale de l’AHGM
Des recours limités pour les hôtels
Le projet de loi 67 pourrait toutefois empêcher ces différents hôtels d’obtenir une diminution de leur valeur foncière. L’article 135 de ce projet de loi omnibus mentionne en effet qu’une règle imposée par le gouvernement du Québec ou une municipalité «pour protéger la santé de la population durant la pandémie de la COVID-19» ne peut être utilisée pour réclamer la révision de la valeur foncière d’un immeuble commercial.
«On nous coupe tous les recours possibles pour revoir à la baisse le compte de taxes foncières», résume Mme Paré. Pendant l’étude de ce projet de loi, son association a réclamé le retrait de cet article, mais Québec n’a pas acquiescé à cette demande.
«L’article [en question] a déjà été étudié et adopté en commission par les parlementaires. Cette disposition est d’ailleurs saluée par les municipalités de façon unanime, puisque ça leur permet de conserver la prévisibilité de leurs finances. Les municipalités conservent ainsi une certaine stabilité sur le plan fiscal, puisque la pandémie est de nature temporaire et qu’elles offrent leurs services de façon continue», a justifié à Métro le cabinet de la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, par courriel.
Selon l’Institut de développement urbain du Québec (IDU), face à cette situation, Québec devrait offrir une compensation financière aux propriétaires d’établissements commerciaux dont la valeur foncière est «artificiellement» sur-évaluée actuellement, en raison de la crise sanitaire.
«On peut comprendre que les villes n’ont pas de sous et dépendent de la taxe foncière. Mais le gouvernement doit se retourner et regarder les propriétaires d’immeubles pour trouver des moyens de les aider», insiste le président-directeur général de l’IDU, Jean-Marc Fournier.
Montréal est «complètement inflexible»
Ève Paré constate par ailleurs que la Ville de Montréal est «complètement inflexible» à l’égard des hôteliers qui souhaiteraient obtenir des «arrangements de paiement» particuliers de leurs comptes de taxes municipales.
Le cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, se dit pour sa part «très sensible aux difficultés rencontrées par les hôteliers» en raison de la pandémie. Par écrit, on rappelle avoir appliqué un gel des taxes foncières gérées par la ville-centre pour l’année en cours et présenté un plan de relance de 60 M$ «qui profitera, nous l’espérons, à toute l’industrie hôtelière de Montréal».
Avec Yann Nopieyie, Métro