La température monte, le soleil sort, mais certaines terrasses devront poursuivre leur hivernage. La pénurie de main-d’œuvre est telle à Montréal que certains restaurateurs doivent se résigner à ouvrir selon un horaire réduit, ou à simplement mettre une croix sur les terrasses et à fermer temporairement leurs établissements.
Le phénomène frappe de plein fouet l’entrepreneur Peter Sergakis. Huit des trente salles à manger qu’il possède sur l’île de Montréal ne peuvent ouvrir pour l’instant, faute de main-d’œuvre. Pourtant, certaines d’entre elles sont hautement profitables, comme la Station des sports, située à l’est du centre-ville.
«Les employés en restauration veulent travailler dans les endroits les plus achalandés possibles. C’est logique, parce qu’ils cherchent du pourboire. Comme l’achalandage n’est plus là au centre-ville, ils préfèrent travailler ailleurs», explique M. Sergakis lors d’un entretien avec Métro.
À la fin de l’année, c’est le client qui va payer le prix, quand il verra ses restaurants et ses terrasses préférés fermés, il sera trop tard.
Peter Sergakis
Plusieurs des établissements de M. Sergakis ouvrent seulement trois ou quatre jours par semaine. Ce contexte complique la fidélisation de la clientèle, mais compromet aussi la saison touristique. L’été, les visiteurs internationaux fréquentent autant les restaurants et les bars en semaine que le samedi et le dimanche.
Ruée compétitive
Quelques semaines avant l’ouverture des terrasses, on assiste à une réelle ruée pour embaucher du personnel, constate l’Association Restauration Québec (ARQ). Selon l’ARQ, ces terrasses sont une nécessité pour la «rentabilité des restaurants».
L’allée et venue des mesures sanitaires aura amené «plusieurs employés de carrière» à quitter l’industrie. «Et avant la pandémie, Montréal avait la chance de compter sur une forte population étudiante comme main-d’œuvre», rappelle le porte-parole de l’ARQ, Martin Vézina. «Maintenant que ce n’est plus le cas, je vous mets au défi de trouver un restaurant où manger le lundi midi.»
«Les restaurants ne sont plus profitables du tout», constate aussi Peter Sergakis. Des gens d’affaires qui, comme lui, possèdent plusieurs actifs dans d’autres domaines pourraient être tentés de limiter leurs investissements dans l’industrie de la restauration.
«Voir des gens s’amuser dans mes bars, dans mes restaurants, ça me passionne. Mais si cette crise devait continuer, à un certain point, ce ne sera plus possible», prévient M. Sergakis.
Pistes de solution
C’est pourquoi le restaurateur demande au gouvernement provincial d’offrir de l’aide financière à l’industrie pour l’année 2022, étant donné que la reprise sera affectée par la pénurie de main-d’œuvre. «On commence à voir la lumière au bout du tunnel, mais elle est quand même très loin. Trop d’éléments jouent en notre défaveur en ce moment.»
À plus long terme, il faudrait faciliter l’arrivée de travailleurs étrangers temporaires dans la restauration, en s’inspirant du modèle utilisé en agriculture, propose l’ARQ. Ainsi, les restaurants pourraient bénéficier d’employés pendant les périodes de l’année les plus achalandées.
Une redistribution des pourboires revue faciliterait aussi l’embauche de cuisiniers. «Un cuisinier gagne environ 19,40 $ de l’heure, alors qu’un employé au service peut faire jusqu’à 35 $, explique M. Vézina. Il faudra penser à un meilleur partage pour assurer un meilleur équilibre entre les corps de métier», conclut-il.
Depuis le début de la pandémie, 85 000 travailleurs ont quitté le domaine de la restauration.