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Deux ans de pandémie: comment le visage de la restauration a-t-il changé?

Le chef cuisinier Émile Colette dans sa cuisine à Place Carmin. Photo: Katrine Desautels

Il y a deux ans, le 13 mars, les écoles devaient fermer au Québec et le mot d’ordre était de rester chez soi pour éviter d’attraper ce qu’on appelait alors le coronavirus. Cette crise sanitaire a bouleversé plusieurs industries, dont celle de la restauration.  

À Montréal, on dénombrait 5363 restaurants en 2021, alors que ce chiffre s’élevait à 5296 en 2020. «J’ai été surpris. Malgré la pandémie, il y a eu une petite augmentation», mentionne le professeur de gestion à l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) Robert Laporte. 

Au cours des deux dernières années, les bureaux se sont vidés au profit du télétravail. Les restaurants ont revu leurs prix à la hausse à cause de l’inflation. De plus, une pénurie de main-d’œuvre frappe plusieurs domaines auxquels n’échappe pas la restauration. Pour pouvoir traverser la crise, le rôle d’entrepreneur prévaut désormais sur celui de restaurateur, estime M. Laporte. 

Ce dernier indique que le client est de plus en plus connaisseur. Il connaît mieux les aliments et il est conscient de l’effet de l’inflation sur le prix des menus. «Bien que les restaurateurs ont augmenté leurs prix, le client est prêt à payer pour cette expérience», souligne l’expert. 

Valérie Taillefer, qui travaille depuis 10 ans dans le domaine de la restauration et qui est serveuse au Verdun Beach, le constate également. «Les gens sont très généreux et encore plus sympathiques qu’avant. J’ai l’impression que puisque ça fait longtemps qu’ils n’ont pas été au restaurant, ils ont envie de se gâter», dit-elle. 

Même son de cloche du côté d’Émile Colette, chef cuisinier de Place Carmin, restaurant situé dans le Vieux-Port ayant ouvert ses portes l’été dernier. «On se questionne souvent à savoir si ça va durer cette espèce d’effervescence d’après-guerre. Quand on va reprendre une vie normale, est-ce que les gens seront autant aptes à dépenser?», se demande-t-il. 

Les restaurateurs qui ont du succès conçoivent le parcours du client. C’est travaillé et réfléchi de l’accueil jusqu’au départ. Il n’y a pas de hasard.

Robert Laporte, professeur de gestion à l’ITHQ

Expérience de l’employé

«Ce n’est pas un secret pour personne, dans le milieu, il y a une difficulté à engager et à garder les employés», indique le chef Émile Colette. Il constate que plusieurs cuisiniers préfèrent désormais travailler le midi. «Avant la pandémie, tout le monde voulait être sur l’équipe du soir parce qu’il y a les menus dégustation et les plus gros rush», détaille-t-il.  

M. Colette estime que les gens ont adopté de meilleures habitudes de vie durant la pandémie, comme de se coucher plus tôt. Plusieurs employés préfèrent donc ne pas terminer leurs quarts de travail tard le soir. 

Robert Laporte, également chercheur au GastronomiQc Lab, l’unité de recherche en sciences gastronomiques de l’ITHQ, réalise présentement une étude sur l’expérience de l’employé. «Trop longtemps, on a vu l’expérience de l’employé seulement comme une invitation à avoir du fun. Le marketing ne peut pas tenir seulement qu’à cela parce que le métier est exigeant», explique-t-il. 

Cette exigence stimule beaucoup le personnel de la restauration. «Dans certains domaines, les gens vont être contents d’avoir une plus petite journée de travail. Nous, c’est le contraire. On carbure à l’adrénaline, on aime ça avoir un gros achalandage», témoigne Émile Colette, qui travaille en cuisine depuis 12 ans.  

Afin de garder la main-d’œuvre, plusieurs restaurateurs ont revu à la hausse les salaires de leurs employés. Selon M. Laporte, cela n’est toutefois pas le seul élément à considérer pour conserver sa main-d’œuvre.  

«Les salaires ont été ajustés, mais il faut aller plus loin. Il faut de la responsabilisation, donner des défis aux employés, aller vers la polyvalence», souligne-t-il. Selon lui, l’expérience de l’employé est un élément particulièrement important pour 2022 et les prochaines années. 

Valérie Taillefer travaille dans un environnement qui a repensé l’organisation du travail. «Au Verdun Beach, on fait tout. Les équipes sont plus petites, mais plus polyvalentes. C’est important d’avoir des gens qui sont capables de tout faire, comme ça, tu peux combler [les besoins immédiats]», indique-t-elle. 

Relève

Depuis la pandémie, l’enseignement a évolué à l’ITHQ. L’établissement est en train de changer ses salles de classe pour qu’elles soient plus dynamiques et interactives. 

La relève est motivée à revoir la façon de faire dans le milieu, que ce soit en gestion, en cuisine ou en service. «Les professeurs de service ont revu des parties de programmes pour s’ajuster à cette volonté d’actualiser la restauration. La nouvelle génération est très intéressée à collaborer à ces changements», indique M. Laporte. 

Tous les programmes de l’ITHQ sont contingentés, mais l’établissement n’a pas de difficulté à recruter une relève passionnée. 

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