Est-ce un premier pas vers la fin des odeurs nauséabondes venues de l’usine de Sanimax? L’entreprise d’équarrissage est visée par une modification réglementaire sur les rejets à l’atmosphère de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), adoptée le 16 juin dernier.
L’une des mesures vient «interdire toute forme de conservation de la matière animale à l’extérieur d’un bâtiment». Cette situation est depuis plusieurs années «une cause majeure de la présence d’odeurs rapportée par les citoyens», indique Caroline Bourgeois, mairesse de l’arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles, lors d’une entrevue avec Métro.
On a pu voir dans les dernières années [des] camions entassés les uns après les autres sur Maurice-Duplessis ou dans la cour de l’entreprise à ciel ouvert.
Caroline Bourgeois, mairesse de l’arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles
Le règlement de la CMM exige en effet «que l’ensemble des activités liées à l’entreposage de la matière animale destinée à une usine d’équarrissage» doit se dérouler dans un bâtiment intérieur, «comme un garage pressurisé avec purificateur d’air, [ce qu’on] réclame depuis des années», indique Mme Bourgeois.
Ces nouvelles mesures concernent toutes les entreprises de l’agglomération montréalaise qui produisent des rejets à l’atmosphère. Plusieurs d’entre elles auront un impact sur Sanimax.
L’une des dispositions est de définir une variable par une «concentration d’odeur». Une autre permettra de «déterminer les méthodes de prélèvement, d’analyse et de calcul d’un polluant de l’atmosphère».
Un tour de vis qui vient «baliser les conditions de suspension et de révocation des permis de rejet à l’atmosphère». Le règlement vient aussi «préciser les renseignements et les documents qui doivent être fournis» pour obtenir ce permis.
Batailles juridiques
La Ville est toujours au cœur de batailles juridiques avec l’entreprise d’équarrissage, qui continue de contrevenir aux règlements municipaux.
La modification du règlement et l’abrogation de certains articles «vieillissants» par la CMM devraient permettre de clarifier certains points qui pouvaient susciter des «débats d’interprétation devant les tribunaux», indique la Ville dans un communiqué.
Par exemple, Sanimax avait obtenu gain de cause en janvier dernier dans le dossier du transport des carcasses devant la Cour supérieure du Québec. La Ville de Montréal exigeait de l’entreprise qu’elle transporte «les matières animales dans des camions avec un système étanche». La juge Chantal Masse avait statué que le terme «étanche» pouvait s’avérer flou.
L’entreprise avait en revanche été reconnue coupable par la même cour de pollution de l’air et des eaux sur son site de RDP. La juge Masse dénonçait dans deux jugements les arguments «tordus», «effrontés» et dénués «de toute base juridique valable» de Sanimax.
Rappelons que dans le même temps, les élus de RDP-PAT ont adopté un nouveau règlement sur les nuisances qui s’applique sur tout l’arrondissement. Avant d’entrer en vigueur, le règlement de la CMM devra, lui, être approuvé au niveau provincial.
Enzo Commisso, un riverain engagé dans la lutte contre Sanimax et les nuisances qu’elle produit, estime que l’entreprise «va tenter de retarder la loi avec ses avocats».
Une bonne nouvelle pour les résidants
Pour Caroline Bourgeois, cette modification de la CMM «est une preuve de plus que la Ville continue d’agir et va poursuivre le travail». L’arrondissement avait également adopté un nouveau règlement encadrant les nuisances à RDP-PAT.
Le comité citoyen Sanimax SOS RDP s’est aussi réjoui de ces «bonnes nouvelles pour [la] communauté» sur Facebook.
«C’est dommage que Sanimax soit forcé d’être un bon citoyen corporatif, mais notre priorité était la qualité de vie et la santé de nos familles et de la communauté», a réagi auprès de Métro le porte-parole de Sanimax SOS RDP, Théo Vécéra.
C’est une victoire pour tout RDP
Théo Vécéra, porte-parole du comité Sanimax SOS RDP
Certains voudraient cependant voir une intervention plus marquée des acteurs politiques provinciaux. Le Prairivois et candidat de Projet Montréal dans le district de RDP en 2021, Joseph Paglia, considère que la Ville de Montréal et l’arrondissement ont «toujours besoin du soutien du gouvernement provincial» dans ce dossier.
Rappelons qu’en avril dernier, le gouvernement du Québec avait annoncé un plan d’action pour réduire les odeurs de l’usine Sanimax à Lévis. Des citoyens et la mairesse d’arrondissement déploraient alors que RDP soit exclue du plan. Le cabinet de Valérie Plante avait demandé au gouvernement «un plan national pour les trois usines de Sanimax» au Québec.
«J’espère que le gouvernement de la CAQ et Mme Rouleau [ministre responsable de la région de Montréal et de la Métropole] feront leur part le plus tôt possible pour soutenir la Ville et les citoyens [prairivois]», confie Théo Vécéra.
«Elle a aidé Lévis, on espère que ce sera la même chose pour Montréal», conclut le citoyen.
«Il est temps que la Ville de Montréal cesse de jouer au loup solitaire»
Dans une courriel envoyé à Métro, Sanimax affirme poursuivre «les mêmes objectifs que la Ville de Montréal, soit d’améliorer la cohabitation avec la communauté de RDP-PAT»
«Nous croyons toutefois qu’il existe de meilleurs moyens d’y arriver que l’approche de confrontation adoptée par la Ville. Dans une optique de collaboration et d’ouverture, nous avons élaboré un plan d’investissement majeur qui propose autant des solutions à court terme que des améliorations durables pour notre usine».
Un plan de «plusieurs dizaines de millions de dollars» qui faisait l’objet de discussions avec la Ville de Montréal, qui selon la direction de Sanimax aurait mis unilatéralement fin aux discussions en août 2021.
«Si les discussions s’étaient poursuivies, nous aurions déjà entamé la réalisation de plusieurs actions clés de ce plan, dont entre autres la construction d’un garage ventilé», poursuit l’entreprise.
Et cette dernière de rappeler les négociations avec la ville de Lévis, dossier dans lequel le gouvernement du Québec était intervenu pour offrir un plan contre les nuisances.
«Il est temps que la Ville de Montréal fasse partie de la solution et cesse de jouer au loup solitaire, avec une vision soutenue au détriment de toute une industrie. Au final, ce sont les résidents de Rivière-des-Prairies qui paient les frais de cette attitude contreproductive», affirme la direction.