Contrairement à la croyance populaire, la police n’occupe pas la première place en matière de profilage racial dans la grande région de Montréal selon une enquête réalisée par l’Institut de recherche et d’éducation sur les relations raciales (IRERR).
Le coup de sonde, mené auprès de 160 personnes racisées, démontre que les commerces constitueraient les lieux de discrimination par excellence.
«Quand on parle de profilage racial, on a tendance à l’associer uniquement à la police, mais cette pratique existe aussi dans d’autres secteurs», dit le coordonnateur adjoint du projet, Stéphane Thalès.
Yasmine*, une adolescente d’origine arabe, se précipite, en compagnie d’une amie (Blanche), dans un commerce à grande surface de Pointe-aux-Trembles pour aller aux toilettes. La jeune se fait suivre par une employée qui lui rappelle qu’il y a des caméras, qu’il fallait faire attention. Apeurée, Yasmine quitte immédiatement les lieux avec son amie et se rend dans un café plus loin.
Elle nous a coursées, jusqu’à l’autre commerce, pour me dire à moi: «La prochaine fois, il n’y aura pas de chance, il y a des agents de sécurité. La prochaine fois, on t’aura.»
Yasmine, jeune Arabe de moins de 18 ans
Son père prépare actuellement une plainte contre le commerce avec l’aide du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR).
Une étampe qui coûte cher
Armstrong Victor, un Montréalais, travaille au quartier Dix-30 sur la Rive-Sud dans une salle de spectacle située près de son établissement financier. Après avoir perdu sa carte de guichet, il y est allé pour en demander une nouvelle.
«Juste avec ma présence, je voyais que le caissier était mal à l’aise», raconte M. Victor en entrevue à Métro. Une fois de retour à son travail, il voit arriver deux agents de sécurité qui lui demandent de les accompagner à la banque, sans lui dire pourquoi.
Dehors, trois autres agents, pour un total de cinq, l’attendaient de pied ferme. L’homme noir est accusé d’avoir volé une étampe, que la banque a finalement retrouvée à l’intérieur de l’institution.
«Ils m’ont appelé après pour m’offrir une carte cadeau de 50 $ à la SAQ, ensuite une compensation de 100 $ pour passer à 200 $. J’ai tout refusé», dit-il.
L’affaire s’est rendue en cour et Armstrong Victor a gagné sa cause auprès de la Commission canadienne des droits de la personne en 2019. Les résultats du sondage de l’IRERR démontrent que parmi les 160 répondants, 122 ont rapporté avoir été victimes de profilage racial dans la grande région de Montréal. Parmi ceux-ci, presque la moitié ont rapporté avoir été «profilés» dans les commerces et les services commerciaux.
«Nous sommes surpris par les réponses, et ces résultats préliminaires suggèrent qu’il faut élargir notre compréhension du profilage racial et la manière dont il touche les personnes dans leur vie quotidienne», déclare l’agente de recherche et de communications du projet, Kathryn Nicassio.
Depuis 2021, outre le sondage en ligne, l’équipe du projet a tenu 13 forums communautaires réunissant environ 300 personnes, et réalisé 46 entrevues avec des victimes de profilage racial, des professionnels de différents secteurs et des intervenants communautaires et institutionnels, dans le but de cerner l’impact du racisme systémique et du profilage racial sur les membres des communautés autochtones et racisées de Montréal.
«Notre projet peut servir de base pour d’autres recherches, politiques et actions communautaires en matière de profilage racial dans l’avenir», dit-elle.
Après la période des Fêtes, le projet CURE rendra publique son analyse des décisions judiciaires sur le profilage racial au Québec entre 2016 à 2021 (fin janvier). Il organisera une table ronde sur l’accès à la justice pour les victimes du profilage racial à la fin février et un colloque, à la fin mars, sur le profilage racial dans les différents secteurs mentionnés ci-dessus.
*Nom fictif
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