Au terme de l’enquête publique sur la mort de Joyce Echaquan, la coroner Géhane Kamel souhaite maintenant que son rapport soit «la fondation d’un pacte social» vers la réconciliation avec les peuples autochtones.
C’est ce qu’elle a déclaré en s’adressant à feue Joyce Echaquan, lui certifiant aussi que son «rapport ne sera pas complaisant», mais plutôt «honnête».
Après près de trois semaines d’audiences durant lesquelles une cinquantaine de témoins et d’experts ont défilé à la barre, l’enquête publique du coroner s’est terminée mercredi midi au palais de justice de Trois-Rivières.
Dans son rapport, lequel devrait être disponible d’ici la fin de l’année, Me Kamel devra déterminer la cause du décès de la femme atikamekw de 37 ans, venue consulter à l’hôpital de Joliette pour des maux de ventre et morte sous une pluie d’insultes racistes.
La coroner devra aussi traiter des circonstances entourant son décès, incluant le traitement qu’elle a reçu des employés.
«Il y a eu des moments difficiles, des larmes et aussi — dieu merci — des sourires remplis d’espoir. Je retiens que nous avons tous crus à cette nécessité de donner une voix à Joyce et que son décès ne soit pas vain.» – Géhane Kamel, coroner de l’enquête Echaquan
Victime du racisme systémique, selon plusieurs avocats
Lors de la dernière journée d’audience, les avocats de différentes parties intéressées ont fait leurs représentations.
L’analyse de l’avocat de la famille Echaquan, Me Patrick Martin-Ménard, portait essentiellement sur la manière dont le racisme et la discrimination, ainsi que les nombreux manquements, à la fois aux niveaux médical, infirmier et administratif, ont mené à la mort de Joyce Echaquan.
Selon lui, ces deux aspects sont indissociables dans cette affaire. Il a aussi insisté sur le fait que le cas de Mme Echaquan n’était pas un cas isolé. «Le racisme dont a été victime Mme Echaquan est présent dans tout le système, de façon consciente ou non», a-t-il déclaré.
C’est aussi l’essentiel des plaidoiries des avocats Me Rainbow Miller, pour Femmes autochtones du Québec (FAQ), et Me Jean-François Arteau, pour le Conseil des Atikamekw de Manawan et pour le Conseil de la Nation Atikamekw.
«Joyce Echaquan était Atikamekw. Elle est morte à 37 ans d’un œdème pulmonaire, mais qui a été exacerbé par le racisme systémique. Si elle s’était appelée Jocelyne Tremblay, elle serait encore vivante aujourd’hui…mais elle s’appelait Joyce Echaquan», a déclaré d’emblée Me Arteau.
L’avocat faisant ainsi référence au fait que la patiente a été cataloguée comme toxicomane, sans diagnostic d’un médecin, uniquement parce qu’elle était Autochtone. Tout au long du séjour de Mme Echaquan à l’hôpital, cette étiquette teintera le jugement du personnel qui ignorera plusieurs de ses appels à l’aide, considérant qu’il s’agissait d’«agitation» seulement.
Pour sa part, l’avocate du Syndicat des travailleuses et travailleurs du CISSS de Lanaudière – CSN, Me Franccesca Cancino, au nom des préposées aux bénéficiaires, en est venue au constat que «c’était l’ensemble du traitement subi par Mme Echaquan qui était problématique».
Me Émilie Gauthier qui représente la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), c’est-à-dire les infirmières dans cette affaire, a indiqué que la FIQ reconnaît le racisme systémique «toujours présent au sein des institutions publiques».
En ce sens, la FIQ entend présenter à sa délégation le Principe de Joyce, développé par le Conseil de la Nation Atikamekw, qui vise «à garantir à tous les Autochtones un droit d’accès équitable, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé».
Me Conrad Lord, l’avocat de l’infirmière congédiée qui a tenu des propos racistes envers Joyce Echaquan quelques instants avant sa mort, a plutôt insisté sur les problèmes de gestion à l’hôpital de Joliette.
À Trois-Rivières, une marche de solidarité a débuté à 13h en la mémoire de Joyce Echaquan. Elle réunit environ un millier de personnes.