Icône mythique de la bande dessinée québécoise, l’agent du FBI Red Ketchup a – enfin – sa série télé!
Cocaïnomane et hyperviolent, ce G-man roux et albinos confronté à des agents soviétiques et d’ex-scientifiques fous nazis est manifestement un pastiche des action heroes américains des années 1980. Absurde et trash, la série s’adresse autant aux lecteurs et lectrices des bandes dessinées qu’aux téléspectateur.trice.s à la recherche d’une proposition humoristique à l’esprit profondément punk.
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Un projet de longue haleine
Ça fait d’ailleurs un méchant bout que le réalisateur Martin Villeneuve travaille sur cette adaptation au petit écran.
«Ça fait des années que Martin est sur ce dossier-là. C’est inouï comment on peut être patient pour qu’un projet voie le jour», soutient en entrevue avec Métro le comédien Benoît Brière, qui prête sa voix au personnage principal.
L’idée a germé lorsque le cinéaste a rencontré les créateurs de Red Ketchup – Réal Godbout et Pierre Fournier – dans le cadre d’un souper de Noël organisé par les éditions de La Pastèque. En plus d’avoir réédité les aventures de l’excentrique personnage toujours vêtu d’un costard bleu poudre et de lunettes fumées, l’éditeur a également publié les deux tomes du photo-roman Mars et Avril de Martin Villeneuve.
Si l’idée initiale était bien de faire une série animée, la possibilité de produire un long métrage a été considérée pendant un certain temps.
«Le passage [vers une série animée] me paraissait plus naturel que du live action, qui à la base me semblait extrêmement ambitieux et coûteux, raconte le cinéaste. Sauf que quand le projet a été optionné par GO Films à l’époque, ce qui intéressait Nicole Robert, c’était beaucoup plus [d’en faire un long métrage].»
Deux scénarios ont été écrits, dont l’un d’eux en collaboration avec Yves P. Pelletier, mais ils sont demeurés au stade de développement.
Finalement, le projet de série animée a repris le haut du pavé lorsque Martin Villeneuve a rencontré Jacques Bilodeau de Sphère Animation.
Entre Hergé et Crumb
Martin Villeneuve soutient être un admirateur de Red Ketchup depuis la première heure. «Comme bien des gens au Québec, j’ai découvert Red Ketchup dans [le magazine] Croc auquel mon père était abonné.»
Pour lui, Réal Godbout et Pierre Fournier – ce dernier est décédé en novembre 2022 – sont en quelque sorte les pères fondateurs de la bande dessinée québécoise.
«Quand on voyait leur œuvre à l’époque, on pouvait croire que ça venait de l’Europe ou des États-Unis, alors que c’est bien de chez nous, raconte-t-il. Le style de Godbout est à la frontière de deux mondes, il a la ligne claire de Hergé, mais aussi le côté grunge underground de [Robert] Crumb.»
Si on reconnaît indéniablement le style des deux créateurs dans l’adaptation télé, Martin Villeneuve n’a pas voulu faire un copier-coller de leur bande dessinée et a même prolongé certaines intrigues. Preuve de la richesse de Red Ketchup: les trois premiers tomes ont permis de développer les 20 épisodes constituant la première saison.
Production ontarienne
Bien que la bande dessinée et plusieurs artistes figurant au générique de la série soient d’origine québécoise, le gros du financement vient de l’Ontario.
«Malgré dix ans d’efforts, je n’ai jamais réussi à lever de financement au Québec», admet le réalisateur.
Martin Villeneuve ne s’en plaint pas pour autant, étant conscient que ce type de production coûte cher. Encore mieux, l’existence d’une version anglaise de la série animée va permettre d’élargir le public, puisqu’en dehors du Québec, seuls les Européens ont eu la chance de découvrir les aventures du rouquin albinos grâce aux éditions Dargaud.
Les voix québécoises
Incarnant Red Ketchup dans la version québécoise en lui prêtant sa voix, Benoît Brière est totalement méconnaissable.
«Je suis loin du personnage en termes physique, admet en rigolant le principal intéressé. J’écoutais la version anglophone et quand est arrivé mon tour sur la version francophone, j’y ai prêté une voix que je ne peux pas avoir plus de trois heures par jour. Je deviens aphone dans le temps de le dire!»
Quant à la sœur de Red, Sally Ketchup, c’est France Castel qui l’interprète. «Le personnage de Sally, c’est un moyen number», soutient la comédienne, même si elle dit se reconnaître un peu en elle. «Je me reconnais dans son audace et son refus de faire une différence entre ce que doit faire un homme et une femme. Comme son frère, elle est une survivante.»
Des survivants à la violence d’un père qui les battaient lorsqu’ils étaient enfants. Présentée sous forme de flashbacks, leur jeunesse permet de mieux comprendre le tempérament explosif de Red Ketchup.
«Red n’est pas comme ça pour rien. On comprend ses comportements et ceux de sa sœur», croit Benoît Brière.
Si l’humour reste au rendez-vous, ce passé donne en effet plus d’épaisseur aux personnages et à la série. Les fans de la BD remarqueront également que le chef Sullivan est devenu un Afro-Américain dans la série, interprété en français par Widemir Normil. «On est assujetti à des contraintes de diffusion qui sont normales en 2023», explique Martin Villeneuve qui interprète lui aussi un personnage.
Autre changement, le personnage de Peter Plywood (Gabriel Lessard) qui prend un rôle plus important dans la série animée.
«Peter Plywood est apparu assez tard dans les bandes dessinées, c’était un agent junior du FBI», se remémore le cinéaste. Cependant, lorsque l’équipe commence à travailler sur le scénario, elle réalise que Red Ketchup ne peut pas toujours se parler à lui-même comme dans les bandes dessinées.
«Il fallait lui ajouter un interlocuteur et je trouvais assez drôle de créer un duo comique du genre bon cop bad cop. Plywood est très by the book et très poli, tandis que Red est complètement l’inverse: chaotique, violent et qui ne fait pas dans la dentelle.»
Un duo parfait qui amusera certainement le public, et ce, tous les jeudis à 22h sur Télétoon la nuit, dès le 20 avril.