Les légumes «moches» s’invitent sur les étals du marché Ahuntsic-Cartierville (MAC) grâce à Second Life. L’entreprise sociale, qui s’attaque au gaspillage alimentaire en proposant des fruits et légumes difformes à bas prix, ne cesse de multiplier ses points de vente et d’allonger sa liste de clients.
Depuis le 21 juillet, le marché situé à la sortie du métro Sauvé dans l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville a franchi le pas en s’associant à la plateforme de commerce en ligne à visée environnementale, Second Life.
Le marché solidaire offre désormais aux citoyens de venir récupérer leurs paniers de légumes frais et peu esthétiques commandés sur le site Internet de la start-up, une fois par semaine, comme le font les 16 autres points de chute disséminés sur l’île de Montréal.
Créé en septembre dernier par deux étudiants français, Thibaut Martelain et Quentin Dumoulin, ce concept de recyclage de légumes disgracieux connaît un succès fulgurant auprès de la population montréalaise.
En quelques mois, près de 90 tonnes de fruits et légumes ont été récupérées puis vendues 30% moins cher que le prix habituel. Ces produits de qualité, aux mêmes valeurs nutritives et au même goût que les aliments aux «mensurations parfaites», sont habituellement destinés aux ordures, selon Thibaut Martelain. Le co-fondateur estime que ce gaspillage représenterait entre 10 et 15% de la production agricole québécoise: une perte inestimable.
Pour Caroline Raimbault, coordonnatrice du MAC, il était important d’encourager une telle initiative et de répondre à la demande grandissante des citoyens.
«Beaucoup de personnes recherchaient des légumes frais et locaux de seconde qualité, c’est pourquoi nous avons opté pour l’offre simple et accessible de Second Life», explique-t-elle.
Le marché, qui reçoit près de 200 clients par jour, redistribue les paniers de légumes «moches», tous les jeudis entre 15h et 18h30.
Lutte contre le gaspillage alimentaire
Les initiatives se multiplient un peu partout au Québec. Le gouvernement a notamment tranché en faveur des légumes «moches», le 26 juillet dernier, en abrogeant le Règlement sur les fruits et légumes frais. Cette loi imposait aux producteurs de respecter certains critères esthétiques, qui ne sont désormais plus en vigueur.
«C’est une décision qui permet officiellement la lutte contre le gaspillage, mais concrètement cela ne va pas changer grand-chose. Nous récupérions et vendions déjà nos légumes moches», commente le cofondateur de Second Life, qui soutient que plus en plus de personnes veulent manger de façon écologique. Sa société a enregistré plus de 900 commandes pour le mois de juillet à Montréal.
Cet attrait pour la récupération d’aliments imparfaits gagne les restaurants et les grandes surfaces qui y voient aussi un aspect rentable. Ainsi, des enseignes comme IGA, Métro, Maxi ou Provigo proposent ce type de produits à bas prix.
D’après Rachel Cheng, chargée de projet en sécurité alimentaire pour Ville en Vert à Ahuntsic-Cartierville, l’équation profite à tous. «Ces grandes enseignes sont des lieux de confiance pour les citoyens et les premiers points d’approvisionnement. Toutes ces initiatives vont permettre de revaloriser les fruits et les légumes moches», déclare Rachel Cheng, qui multiplie les actions de sensibilisation au gaspillage dans l’arrondissement.
Rappelons qu’au Canada, un tiers des aliments produits pour la consommation est perdu ou gaspillé, soit 1,3 milliard de tonnes d’aliments par an, selon les estimations de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). On considère que 40% de la nourriture produite est gaspillée.