Quand les activités culturelles ont été arrêtées pour contenir les contagions, le théâtre a été une victime collatérale particulièrement malmenée. À l’approche de la réouverture des salles de spectacles en zones rouges, comédiens, metteurs en scène, auteurs et techniciens n’en finissent pas d’observer les séquelles laissées par la pandémie.
Même si la programmation des pièces se fait désirer, ce retour envisagé des comédiens sur les scènes tient lieu de renaissance. «J’ai vécu un festival d’annulation et de reports. J’étais à quatre jours d’une première quand la décision de mettre le Québec sur pause a été prise», raconte la dramaturge et metteuse en scène, vice-présidente de du Conseil québécois du théâtre (CQT), Édith Patenaude.
C’est Les sorcières de Salem au Théâtre Denise-Pelletier qui venait de prendre l’eau. Mais plus encore, l’année de Mme Patenaude était ficelée. Elle avait un spectacle en avril à La licorne et un autre en septembre au Théâtre Jean-Duceppe.
«Quand la pandémie a éclaté, je revenais d’un séjour d’un mois et demi à Vancouver et mon année était vide. Je me disais, je vais être en recherche de contrats et puis cela va arriver. Cela fait 15 ans que je suis dans le métier», dit le comédien et directeur de compagnie, Hubert Lemire.
Dans les salles, les directions géraient les urgences. La maison de la culture Ahuntsic-Cartierville a dû reporter ou annuler 17 spectacles de théâtre.
«Pour certaines pièces, ce sont les compagnies qui les ont annulées parce qu’elles ne pouvaient pas retenir des comédiens durant des mois», indique l’agente culturelle, Liette Gauthier.
Deuxième report
Même quand le déconfinement de l’été a été annoncé et que des fonds ont été injectés pour offrir des spectacles en extérieur et avec la distanciation, le théâtre a eu du mal à se remettre en scène.
«On avait postulé pour un show et on avait obtenu notre financement. On a monté un spectacle à vitesse grand V et je m’étais juré de ne pas rembarquer dans le flot des annulations», confie M. Lemire.
Il a préparé Ensemble avec 12 artistes, dont une partie est enregistrée.
«On l’a présenté à Espace Libre, dehors. On devait jouer le mois suivant à Ahuntsic. La deuxième vague nous a reporté en avril», regrette-t-il.
Les diffuseurs ont aussi dû garder une programmation théâtrale quasi symbolique.
«On avait reçu Yves Jacques et Mathieu Quesnel pour raconter sur scène le making-of de leur pièce Je suis mixte. On ne pouvait pas faire la pièce, parce qu’ils avaient une trollée de comédiens», mentionne Liette Gauthier.
Recommencement
Aujourd’hui, beaucoup d’inquiétudes demeurent avec le retour des spectacles. Les annulations de 2020 ont été suivies par les hésitations de 2021 sans que les artisans soient rassurés sur leur avenir.
«Habituellement, pour les spectacles qui joueraient de septembre à mai, tous les contrats seraient signés ou en voie de l’être maintenant [en mars]», observe M. Lemire, qui est également membre du conseil d’administration du CQT.
Ce qui a été reporté et tout ce qui a été préparé se cherchent maintenant une salle.
«Il faut penser aux techniciens pour qui l’ouvrage ne manquait pas et qui se sont retrouvés dans une année famélique et qui ont dû aller voir ailleurs», remarque-t-il.
La situation cause de plus de la déprime chez les artistes. Selon un sondage de la Fédération nationale des communications et de la culture effectué en début d’année, plus de 43% des 2000 répondants ont présenté des symptômes de dépression majeure au cours des 12 derniers mois.