La charge de travail des enseignants au collégial s’est considérablement alourdie avec la pandémie de COVID-19. Plusieurs d’entre eux n’arrivent plus à fournir et vivent un niveau alarmant de stress, d’anxiété et de détresse psychologique, selon un récent sondage.
Depuis mars, le quotidien de Louis-Raphaël Pelletier a bien changé. Le professeur d’histoire a toujours sous sa responsabilité des groupes de plus d’une trentaine d’étudiants, mais il leur enseigne désormais par écrans interposés.
«Tout ce qu’on voit, ce sont des pastilles, des initiales. On ne voit plus le visage des étudiants. On n’a aucune idée s’ils comprennent ou non, si ça va bien ou si ça va mal», témoigne celui qui enseigne au cégep Marie-Victorin depuis onze ans.
Avec les cours à distance, il a dû réinventer son matériel pédagogique. Résultat, son temps de préparation a doublé.
Même son de cloche du côté de Sophie Roy, enseignante en science politique au Collège Ahuntsic. Devant le défi d’enseigner à de grands groupes à distance, elle a commencé à enregistrer et monter des capsules vidéo complémentaires à ses cours.
«On s’est mis à plusieurs enseignants et même-là, on a de la misère à arriver. […] Je suis en retard dans la correction, j’oublie des choses, c’est vraiment difficile à vivre», laisse-t-elle tomber.
Une tâche accrue
Plus des deux tiers des enseignants au collégial consacreraient plus de deux fois plus de temps à la préparation de leurs cours que pendant une «session normale», selon les résultats d’un sondage dévoilés le 16 octobre par la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN).
Plus de 2400 enseignantes et enseignants provenant d’une vingtaine d’établissements collégiaux ont rempli un questionnaire en ligne entre le 21 septembre et le 12 octobre 2020.
«On sentait que la tâche s’était alourdie. Les résultats du sondage le confirment», réagit Yves de Repentigny, vice-président responsable du regroupement cégep de la FNEEQ.
L’encadrement des étudiants pâtit de l’enseignement à distance. Comme il n’est plus possible de répondre aux questions à la sortie de la classe, les profs se rabattent sur les suivis au téléphone ou par visioconférence.
«J’ai 140 étudiants. Je ne peux pas tous les appeler. J’essaie d’en appeler une quinzaine par semaine, illustre Louis-Raphaël Pelletier. Et là, les problèmes ressortent. Certains ont eu de la difficulté à se brancher, d’autres sont démotivés.»
«On ne peut plus avoir de groupes de cette taille-là. Ça n’a aucun sens.» -Louis-Raphaël Pelletier, professeur d’histoire au cégep Marie-Victorin
Détresse psychologique chez les enseignants au collégial
Tous ces changements occasionnent beaucoup de stress, ce qui n’est pas sans conséquence.
Près de 22% des enseignants ayant participé au sondage présentent un niveau de détresse élevé.
La moitié des répondants ayant témoigné de symptômes de détresse ont indiqué que leur état est au moins lié au travail. Pour plus de 40%, la COVID-19 est aussi un facteur d’anxiété.
«C’est clair qu’il y a un lien entre l’anxiété, la détresse et l’enseignement en temps de COVID-19», affirme Yves de Repentigny.
Pour ce dernier, la solution est simple: «du temps pour mieux enseigner, pour mieux préparer, pour mieux encadrer.»
Et pour cela il faut réduire la taille des groupes ou encore le nombre de groupes sous la responsabilité de chaque enseignant en embauchant davantage.
Mais sur le terrain, c’est tout le contraire. Les groupes sont de la même taille que d’habitude, mais moins d’étudiants quittent en raison de date d’abandon reportée dans plusieurs établissements.
«Avec cinq groupes, deux cours et 182 étudiants, je n’y arrive plus», conclut Sophie Roy.