Juste la fin du monde: Le temps qui reste
Après le choc mondial de Mommy, place à celui de Juste la fin du monde, où Xavier Dolan convie la crème de la crème des stars françaises au fil d’un récit estampillé de souffrances.
Des cris hystériques, des engueulades sans fin, une famille dysfonctionnelle qui est incapable de communiquer. Ce matériel emblématique de l’œuvre de Xavier Dolan trouve une nouvelle résonance dans le texte théâtral de Jean-Luc Lagarce, qui est doublé d’une réflexion proustienne sur le temps qui passe, qui manque et qui est gâché. Un fils (Gaspard Ulliel, dans un rôle qui fait écho au Saint Laurent de Bonello) sait qu’il n’en a plus pour longtemps et il tente de renouer avec les siens après plusieurs années passées en exil.
«Ça m’arrive rarement de pleurer quand je lis un scénario, mais là je pleurais, confie Léa Seydoux, rayonnante dans sa grossesse, qui interprète la jeune sœur du héros. J’étais bouleversée. Il y a quelque chose qu’on ne peut décrire, de l’ordre des sensations, des émotions, de l’abstraction.»
Tourné en moins de 30 jours, dont seulement 6 avec tous les comédiens réunis (on y retrouve également Marion Cotillard et Vincent Cassel), le long métrage, qui a remporté le prestigieux Grand Prix au dernier Festival de Cannes, est remué par cette intensité à fleur de peau, cette urgence qui semble constamment consumer les personnages frustrés et imparfaits.
Ce désespoir latent, Dolan le filme en gros plans afin de mieux capter les regards secrets et dérobés. La langue vive et précise décharge des torrents de propos dont les contrastes sont d’autant plus saisissants que la parole est souvent utilisée pour cacher l’essentiel.
«Ce n’est pas fatalement les mots qui définissent, rappelle Nathalie Baye, qui incarne la mère du protagoniste. Ce sont les intentions, les situations. On peut regarder quelqu’un en se disant «tu ne m’intéresses pas», tout en lui disant qu’on l’aime. C’est un film où les gens parlent parce qu’il y a de la pudeur, parce qu’ils sont fragiles, parce qu’ils sont inquiets, qu’ils n’ont pas confiance en eux et au lieu de se dire: «“On s’aime, on est heureux de se retrouver”», ils passent par des détours compliqués, brutaux, maladroits. Parce que la vie est ainsi faite.»
Fan #1
Nathalie Baye pourrait très bien être l’admiratrice numéro 1 de Xavier Dolan. Celle qui a tourné avec les plus grands (Truffaut, Godard, Pialat…) ne tarit pas d’éloges envers le cinéaste québécois qui l’a dirigée pour la première fois dans Laurence Anyways.
«Vous avez la chance d’avoir un grand réalisateur, confie-t-elle. Il n’y en a pas énormément dans le cinéma. Peut-être que les gens d’ici ne le réalisent pas parce qu’il est jeune, parce que ça semble facile. Mais c’est un immense artiste, un cas très exceptionnel. Et j’en ai vu quand même beaucoup.»