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Early Winter: le grand vide

Photo: Laurent Guerin/collaboration spéciale

Le froid ambiant ankylose les corps et cristallise les émotions dans Early Winter, de Michael Rowe, une coproduction Québec-Australie dans laquelle Paul Doucet crève l’écran.

Son titre évoque un opus d’Ozu, mais Early Winter (Premières neiges) a plus en commun avec l’univers de Bergman ou de Cassavetes. Un couple marié usé par la vie croule sous le poids du passé et de la jalousie. David (Paul Doucet) travaille comme concierge dans une maison de retraite, et il ne comprend plus Maya (Suzanne Clément), une femme d’origine russe qui broie du noir sur cette glaciale terre québécoise où tout lui semble étranger.

«Au cinéma, les histoires d’amour sont souvent idéalisées, même quand les gens ont 80 ans, s’étonne Michael Rowe, réalisateur australien expatrié au Mexique qui a remporté la Caméra d’Or à Cannes en 2010 avec Année bissextile. Mais ce n’est pas le véritable amour. Celui-ci est plus complexe, avec des cycles de joie et de dépression, de passion et de sacrifices. Je voulais faire un film sur l’amour mature, sur le prix à payer pour sauver une relation.»

«On a l’habitude de “prendre” pour quelqu’un. Le cinéma nous conditionne à ça. Dans la vie, les gens ne sont pas foncièrement sympathiques. Ils sont juste ordinaires.» – Paul Doucet, rappelant que les personnages d’Early Winter ne sont pas là pour se faire aimer

Le cinéaste a utilisé tout son savoir-faire esthétique pour enfermer ses personnages dans une solitude âpre. La mise en scène statique ponctuée de plans fixes utilise des cadrages larges pour rappeler que les êtres sont souvent seuls au monde. Que la lumière vienne à manquer, et ces âmes ne peuvent qu’errer dans des décors abandonnés où la mort et la neige semblent régner.

Cette longue marche en pleine noirceur pourrait paraître nihiliste, avec ces individus en crise qui souffrent terriblement. «L’humanité y est pourtant partout, clame son metteur en scène. Surtout dans les personnages nuancés. Ils sont parfois bons, parfois méchants, frustrés ou en lutte avec leurs démons. Mais il n’y a rien de plus humain que d’être contradictoire.»

L’espace et le temps
Sélectionné en auditions, Paul Doucet a contribué à faire fructifier la matière première d’Early Winter en collaborant au plus près avec son créateur. «Michael Rowe est un auteur qui est son propre réalisateur. Il y a de la place pour bouger. J’ai amené des points de vue qui ont modifié des choses dans le scénario. Suzanne aussi. On découvrait, on bâtissait et on s’allumait mutuellement des lumières. C’est un processus fascinant et rare.»

Travailler en plans fixes constituait aussi pour lui un immense avantage. «Ce cadre-là donne une liberté de jeu qui est incroyable. Tu as une scène et tu as un cadre. Pour les acteurs, c’est un plaisir fou, c’est libérateur au bout. Tout est possible.»

Early Winter
En salle dès vendredi

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