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Design urbain, verdissement et prostitution

Photo: Arrondissement MHM

Nombreuses sont les théories urbanistiques qui ont mal vieilli, mais celles de l’urbaniste américano-canadienne Jane Jacobs, élaborées dans les années 1960, influencent toujours notre façon de concevoir la ville.

Je pense notamment à son fabuleux bouquin The Death and Life of Great American Cities, dans lequel elle porte une attention particulière à la conception des espaces publics afin d’augmenter le sentiment de sécurité des citoyens. Elle insiste sur le fait que créer des lieux animés, fréquentés tout au long de la journée, est le meilleur moyen de sécuriser une ville. Aucune politique de sécurité liée à une présence policière accrue ou à de la vidéosurveillance n’est en mesure de remplacer la présence constante des citoyens. C’est ce qu’elle surnomme «les yeux de la ville», une théorie qui trouve encore sa place, 50 ans plus tard, dans les milieux universitaires et municipaux.

La preuve: le maire Réal Ménard s’apprête à tester ce principe dans Hochelaga-Maisonneuve avec les réaménagements complets du parc Dézéry-Lafontaine et de la rue Préfontaine. Son objectif: augmenter la présence des familles et des travailleurs avoisinants en aménageant des espaces urbains de qualité afin de sécuriser le secteur, historiquement gangrené par des prostitués et des revendeurs de drogues.

À l’aide d’un budget de 450 000$, l’arrondissement redessinera tout d’abord le parc, qui ne saurait être plus dysfonctionnel qu’en ce moment. Des clôtures métalliques découpent le lieu en petits lots, frustrant les enfants qui tentent de s’amuser avec un ballon; des buttes gazonnées referment le parc sur lui-même, créant d’importantes lacunes de sécurité; et l’éclairage de nuit n’est pas à point. Bref, tout est à redessiner.

D’ici la fin de l’année, des aires de jeux plus conviviales feront leur apparition, ainsi qu’une zone d’agriculture urbaine où on cultivera du houblon. Les sentiers seront repensés, et les frênes attaqués par l’agrile seront remplacés.

La rue Préfontaine, adjacente au parc, sera quant à elle définitivement scindée en deux afin de bloquer la circulation entre les rues Sainte-Catherine et Ontario. Le flux de véhicules préoccupait le voisinage depuis un bon moment, non seulement à cause de la vitesse des automobiles qui y roulaient, mais également en raison des conducteurs qui circulaient autour du parc pour prendre part à des activités illicites. Une place publique verra donc le jour directement sur la rue, agrémentée de végétation, de tables de pique-nique et d’installation où jouer au tennis sur table.

Sur papier, le projet a réussi à me convaincre. J’ai eu la chance d’en discuter avec le maire, son chef de division des études techniques ainsi que Michel Roy, directeur de la Table de quartier Hochelaga-Maisonneuve. Ils m’ont tous fait valoir le bien-fondé de cette délicate opération, qui mise sur le design urbain comme arme passive de revitalisation sociale, plutôt que sur la répression policière.

En même temps, espérons que cette stratégie sera accompagnée d’interventions sociales pour accompagner la clientèle «indésirable». Autrement, on ne fera que déplacer le problème sur la rue voisine.

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