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Le creux de vague

J’ai un aveu à vous faire : je vis un étrange creux de vague depuis que le gouvernement péquiste a été évacué du pouvoir. J’imagine qu’il y a un nom, en psychologie, pour décrire ces bleus qui surviennent quand une menace qui vous a tenue en haleine pendant plusieurs mois est écartée si soudainement. Au lendemain des élections, j’étais à la fois soulagée de voir qu’on n’érigerait pas en loi la discrimination envers des minorités, et triste pour tout le reste : le retour trop solide des libéraux au pouvoir, le départ de madame Marois, la difficulté de Québec Solidaire à rallier plus de monde, l’engouement populaire pour la voix caverneuse de Yoan…

S’en est suivi ce vide, laissé par la disparition de quelque chose, d’une sorte de cause. Bien sûr, j’aurais préféré que le Québec ne vive jamais cette crise dont on mesure à peine les séquelles. Je n’ai pas passé les derniers mois à me réjouir qu’on casse du sucre sur le dos des minorités juste parce que ça me donnait des sujets de chronique. Mais écrire au sujet de la Charte des valeurs avait quelque chose de gratifiant. Quand on écrit, on se fait croire que c’est un peu pour changer le monde, mais on ne se leurre pas tant. On sait qu’on peut, tout au plus, mettre des mots sur ce que d’autres pensent sans avoir le temps de l’écrire. Même si plusieurs croient qu’on fait ça dans l’unique but de brasser des déchets humains, on souhaite, la plupart du temps, que les gens pensent comme nous. Avec la charte, c’était différent. On pouvait emmener des personnes à passer d’une conception des choses à une autre. On pouvait rallier des gens, même à la fin. Et on pouvait continuer à mettre des mots sur des idées qui m’apparaissent importante, comme l’idée que l’on se fait de la citoyenneté, du féminisme, de la communauté, par exemple. Si on avait pu brasser toutes ces idées sans faire de mal à personne, c’eût été merveilleux.

Et puis, comme on dit, qui aime bien châtie bien. Il n’y a rien d’intéressant à critiquer un gouvernement duquel on a peu d’attentes. Écrire en temps de gouvernement libéral, c’est un peu comme devoir faire la critique gastronomique d’un nouveau sandwiche McDo. Je pense que je vais me remettre à écrire sur des sujets plus légers.

Mais ne vous inquiétez pas : je ne suis pas en train de chercher dans quoi mordre. J’ai mon lot frustrations quotidiennes qui m’assurent que je suis vivante et que le monde dans lequel je vis n’est pas encore assez à mon goût pour que je cesse d’écrire. Ça par exemple. Ou encore ça. Hier, seulement durant l’émission Tout le monde en parle, mon front s’est retrouvé dans ma main à au moins cinq occurrences : 1. Quand un des gars des Grandes gueules a sous-entendu d’un signe de la main qu’être gai était semi être un homme; 2. Quand un gars des Francs-Tireurs a comparé les coupures de poste à Radio-Canada à celles de n’importe quelle entreprise privée, banalisant d’un seul coup la mission spécifique d’un diffuseur public; 3. Quand un autre gars des Francs-Tireurs a dit «who cares» à Thomas Mulcair, qui venait d’expliquer la réforme électorale des conservateurs qui retirera le droit de vote à des milliers de Canadiens. Je ne me souviens plus des deux autres, mais qu’importe. Le problème, avec ces sources potentielles d’indignation, c’est qu’elles sont trop évidentes. Vous n’avez pas besoin de moi pour mettre des mots sur ça. Et encore moins sur ce qui s’est passé hier à Laval.

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