Une personne autochtone bispirituelle détenue au pénitencier de Port-Cartier, situé sur la Côte-Nord au Québec, a été blessée par des agents correctionnels.
Le 30 mai dernier, Nick DiNardo s’est fait casser le bras par un agent correctionnel. Son état n’a pas été correctement évalué à la suite de l’incident et iel n’a été amené.e à l’hôpital que le 7 juin.
Le bras de Nick aurait également été blessé à nouveau par un autre commandant le 12 juillet alors qu’iel* revenait d’une radiographie pour évaluer son état.
Une situation dénoncée par le Congrès des peuples autochtones
Le Congrès des peuples autochtones (CPA), l’une des cinq organisations autochtones nationales reconnues par le gouvernement du Canada, dénonce le mauvais traitement dont est victime Nick DiNardo dans les établissements correctionnels du Canada, en particulier celui de Port-Cartier.
Selon le CPA, l’agent correctionnel qui a cassé le bras de Nick aurait aussi cassé les bras de quatre autres détenus dans le passé.
La défenseure des prisonniers de Beyond Prison Walls Canada, Sherri Maier, explique que de nombreux détenus lui ont parlé de Nick DiNardo et du fait qu’iel avait été maltraité.e.
«Nick est une personne qui souffre de maladie mentale, et il existe de bien meilleures façons de gérer cela que de leur causer des lésions corporelles. Si quelqu’un d’autre blessait quelqu’un pour le contrôler, il serait en prison, alors pourquoi les commandants n’ont-ils pas à adhérer à la même norme? C’est inacceptable et injuste que Nick continue de subir cet abus», pense Mme Maier.
«Messages troublants» d’un agent correctionnel
Le CPA ajoute avoir vu des «messages troublants» publiés sur les réseaux sociaux d’un commandant de l’établissement correctionnel de Port-Cartier.
Dans les captures d’écran, dont Métro a obtenu une copie, l’internaute a déclaré sur Twitter qu’il «n’y a[avait] pas d’autre choix que de lui [Nick DiNardo] causer des blessures pour le contrôler», précisant qu’il y avait «beaucoup plus [à dire] dans cette histoire».
Le compte de la personne en question a depuis été supprimé. Il n’a pas été possible pour Métro de confirmer qu’il s’agissait bel et bien d’un employé de Port-Cartier.
Pour la vice-chef nationale du Congrès des peuples autochtones, Kim Beaudin, il est clair qu’il s’agit d’un agent correctionnel qui admet qu’il causerait des lésions corporelles à Nick en détention.
«Nick n’est pas en sécurité à l’établissement de Port Cartier, ni dans aucune des autres installations à travers le Canada où ils ont été transférés. Nick a subi des abus et de la négligence allant de 9 mois d’isolement au harcèlement sexuel et à de multiples agressions physiques. Nous devons voir une garantie de la sécurité de Nick de la part du gouvernement», a-t-elle affirmé.
Détention en unité fermée
Le Congrès des peuples autochtones soutient que, depuis les évènements, Nick DiNardo a été placé.e dans une unité où iel vit 22 à 24 heures par jour en isolement.
«Le personnel correctionnel a admis que cela était dû au fait qu’il n’y avait pas d’unités sûres pour les détenues bispirituelles ou transgenres, et Nick s’est vu refuser l’accès aux unités pour femmes trans dans les établissements pour femmes», ajoute-t-on par communiqué.
Pour sa part, Nick DiNardo affirme vivre des abus physiques et sexuels en prison, en plus de ne pas pouvoir pratiquer sa culture. «Mon peuple meurt. J’ai vu deux hommes autochtones se suicider pendant mon séjour en prison. Les abus ne se sont pas arrêtés avec les pensionnats», a-t-iel dit.
Le CPA demande aux Services correctionnels du Canada qui exploitent l’établissement de Port-Cartier d’enquêter sur la violence dirigée contre Nick par les agents correctionnels et d’assurer leur sécurité pendant toute la durée de leur peine.
La réponse du Service correctionnel du Canada
De leur côté, le Service correctionnel du Canada (SCC) indique que, conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels, il ne peut pas communiquer de détails spécifiques au cas d’un détenu.
Cependant, toute allégation concernant les conditions de détention est prise très au sérieux, ajoute-t-on.
«Des vérifications et des suivis sont systématiquement effectués avec les directions des établissements. Le SCC examine les circonstances de tout incident dans lequel il y a eu recours à la force et prend les mesures appropriées afin de prévenir ou d’améliorer ses pratiques de recours à la force», fait savoir le gestionnaire régional des communications, Jean-François Mathieu.
M. Mathieu précise d’ailleurs que les employés du SCC doivent agir selon les normes juridiques et éthiques et sont assujettis aux règles de conduite professionnelle et au code de discipline dictés par la Directive du commissaire 060 – Code de discipline et qu’aucune infraction à ses politiques n’est toléré.
«Toutes les allégations font l’objet d’enquêtes approfondies, peu importe la source, et les mesures appropriées sont prises», affirme-t-il.
*iel est un pronom neutre utilisé par certaines personnes bispirituelles comme Nick DiNardo.