La rentrée maintenant dans le rétroviseur, les enseignants du Centre service scolaire de la Pointe-de-l’Île (CSSPI) conservent néanmoins des inquiétudes quant à la façon dont se déroule ce retour en classe.
«Même si, sur papier, la politique du ministre semble intéressante, dans la pratique, c’est difficilement applicable. C’est utopique de croire que la distanciation sera fonctionnelle et que tout va bien aller», s’exclame Serafino Fabrizi, président du Syndicat de l’enseignement de la Pointe-de-l’Île (SEPI).
Le syndicat avait d’ailleurs écrit une lettre ouverte à la direction du CSSPI pour faire part des craintes que conservent encore les enseignants.
M. Fabrizi souligne en particulier les bulles-classes, qui, dans la réalité, sont impossibles à appliquer. De même, la distanciation reste difficilement applicable selon le président syndical.
«Il peut y avoir un manque d’espace dans certains locaux plus exigus, remarque M. Fabrizi. Il y a des classes qui sont surpeuplées parce que l’espace n’est pas disponible. Ce n’est pas toujours possible de garder les deux mètres.»
«Un autre exemple, comment doit-on réagir dans des cas où un élève à des problèmes de comportement s’interroge M. Fabrizi. Ça devient plus problématique dans la situation actuelle.»
«Je crois que la rentrée aurait dû être faite autrement. On essaie de travailler avec la CSSPI pour régler tous les problèmes qui peuvent survenir, et nous gardons une bonne communication. N’empêche que c’est tout sauf une situation idéale.» – Serafino Fabrizi, président du SEPI
Des mesures inapplicables
Plusieurs enseignantes remarquent d’ailleurs que l’idée de bulles-classes n’est simplement pas applicable dans la réalité, alors que les élèves peuvent se mélanger une fois sortis de leur classe.
«C’est impossible. Ils peuvent se côtoyer pendant leur arrivée à l’école, dans le bus, au service de garde, ou dans la cour. Les classes sont aussi mélangées pour les cours spécialisés. On essaie plutôt de garder une bulle-niveau», résume Fleur, enseignante à la maternelle.
Autre problème à son école, le bâtiment ne possède qu’une salle de toilettes pour chaque sexe, alors qu’en incluant le personnel, ce sont près de 900 personnes qui s’y retrouvent chaque jour.
À l’école d’Annie*, qui enseigne à la 6e année dans une école de la CSSPI, le concept de bulle est appliqué de manière plus sévère. Malgré cela, pour elle non plus, le système ne fonctionne pas.
«Les groupes ont été organisés en fonction du service de garde. Mais ça fait des classes qui ne sont pas du tout équilibrées. C’est plus une illusion de sécurité, puisqu’on les voit souvent aller ensemble au parc après l’école», constate-t-elle.
Autre problème qui survient avec la reprise des classes, les enseignantes remarquent que l’application des mesures sanitaires vient gruger dans le temps d’apprentissage.
«C’est très long, et ça coupe beaucoup dans le temps. Surtout le fait que l’enfant doit se laver les mains chaque fois qu’il sort de la classe, même si c’est simplement pour aller porter un papier au secrétariat. Parfois, ça en devient inutile», remarque Catherine, enseignante de première année à la CSSDM.
Fleur se demande d’ailleurs de quelle manière ces différentes mesures seront applicables en hiver, lorsque les enfants seront couverts de leurs vêtements d’hiver.
Un manque de personnel
Lors de la première journée de classe, trois enseignants avaient déjà testé positif. Une éventuelle deuxième vague pourrait causer des maux de tête particuliers.
À l’école de Sarah*, qui a une classe de 4e année à la CSSDM, il y a déjà un manque de trois enseignants. «Si je tombe malade demain, il n’y a personne qui peut prendre ma place. En ce moment, il n’y a plus de cours de langue, parce que les spécialistes font du remplacement dans les classes.»
Pour sa part, Annie craint qu’une situation semblable à celle vécue dans les CHSLD puisse se répéter dans les écoles en cas de deuxième vague. «Il y a des suppléants qui se promènent d’une école à l’autre, ce qui est inquiétant dans le contexte».
M. Fabrizi rappelle d’ailleurs que les écoles de la CSSPI sont dans des quartiers qui étaient rapidement devenus des zones chaudes au plus fort de l’épidémie, alors que de nombreux parents travaillaient dans le milieu hospitalier. Une particularité qui pourrait à nouveau poser problème si de nouvelles éclosions surviennent.
*Noms fictifs