L’entreprise responsable du projet du Réseau express métropolitain (REM) «manque de collaboration» et de transparence à l’égard de la Ville de Montréal, ce qui pourrait nuire au «succès» de l’aménagement du territoire dans plusieurs quartiers de la métropole où passera le train léger dans quelques années.
C’est du moins ce que constate le Comité Jacques-Viger dans son rapport d’activités pour l’année 2019, adopté sans tambours ni trompettes mercredi en séance du comité exécutif. Le comité d’experts, qui a décliné la demande d’entrevue de Métro, conseille notamment la Ville en matière d’aménagement du territoire, d’architecture et d’urbanisme.
Des projets autour du REM
L’an dernier, ce groupe d’experts a émis plusieurs avis à l’intention de CDPQ Infra, une entreprise privée créée par la Caisse de dépôt et placement du Québec pour gérer le projet du REM, qui comprendra à terme 26 stations réparties sur un tracé de 67 km dans le Grand Montréal.
Ces avis concernent divers secteurs en transformation qui se trouvent «en interaction directe» avec ce projet de transport collectif. Il s’agit notamment de l’Île-des-Soeurs, où la Ville envisage un quartier mixte et dense autour de la future station du REM dans ce secteur, où elle prévoit aussi la création d’espaces verts. Il y a également le réaménagement de la station de métro Édouard-Montpetit, qui a amené le comité à soulever des enjeux d’accessibilité universelle autour du site.
D’autres avis ont aussi porté sur le quartier Griffintown, l’arrondissement de Saint-Laurent, qui accueillera cinq stations du REM, de même que l’avenue McGill College, où des travaux sont en cours pour aménager une future station du train léger sur cette artère, que souhaite d’ailleurs transformer la Ville. Dans tous ces endroits, des projets d’aménagement sont en cours, en parallèle de la création du REM.
«Quand on implante un mode de transport lourd, c’est clair que ça a un impact sur l’aménagement du territoire», souligne à Métro la professeure au département d’études urbaines et touristiques à l’UQAM, Florence Junca-Adenot. La planification d’un projet comme le REM doit donc se faire en concertation avec les municipalités concernées, ajoute-t-elle.
«On ne peut pas passer à côté des impacts sur le milieu urbain [des projets de transport collectif]», estime l’experte.
«Manque de collaboration»
Or, le rapport fait état d’un «manque de collaboration de la CDPQ Infra avec les différents services de la Ville de Montréal et de ses arrondissements dans la mise en œuvre du REM».
Une situation problématique, puisque «l’aménagement des espaces publics et des cadres de vie» autour des stations du REM est essentiel au «succès» de ce projet de transport collectif, ajoute le comité.
Le manque de transparence de CDPQ Infra aurait par ailleurs «restreint» le travail du comité auprès de la Ville,«en limitant l’information dont nous disposons pour évaluer la qualité des projets qui nous sont présentés».
«Nous considérons que le faible partage des informations par l’équipe de réalisation du REM empêche la mise en œuvre d’une vision concertée du territoire montréalais.» -Extrait du rapport
Retards et coûts supplémentaires
Les façons de faire de CDPQ Infra, qui s’impose comme un «bulldozer», pourraient engendrer des délais dans certains projets d’aménagement de la Ville, appréhende le professeur à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, Jean-Philippe Meloche.
«On va voir des chantiers en double parce que la Ville va venir après le REM dans les secteurs concernés», craint l’expert. Les pouvoirs «extraordinaires» accordés par Québec au promoteur du projet de train léger pourraient donc accélérer la réalisation de celui-ci au détriment des aménagements planifiés par les villes concernées, qui font face à un joueur «qui impose ses propres critères».
«Ça va probablement augmenter le coût d’adaptation des municipalités au REM», ajoute-t-il.
«Un besoin d’ajustements», reconnaît la Ville
Contacté par Métro, CDPQ Infra a réagi par courriel. «Nous portons une grande attention à l’intégration urbaine et architecturale du REM dans les communautés et collaborons avec la Ville de Montréal et la société civile», assure la filiale. Elle souligne à cet égard avoir créé en 2018 son «propre comité aviseur» sur le projet du REM, en collaboration avec la Ville.
Le cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, reconnaît pour sa part que les conclusions de ce rapport «indiquent un besoin d’ajustements» avec CDPQ Infra.
«Nous allons poursuivre notre collaboration avec ce partenaire pour assurer un meilleur partage d’information et le succès de la planification urbaine du territoire», ajoute une attachée de presse, Catherine Cadotte.