Le voyage évoque la détente, la découverte, l’aventure… Mais pour les personnes en situation de handicap, partir en vacances, voyager, voir du pays demande aussi d’être sacrément organisé.e et prêt.e à relever plusieurs défis.
À l’occasion de la Semaine québécoise des personnes handicapées qui se déroule chaque année du 1er au 7 juin, Métro s’est intéressé à la question du tourisme accessible ainsi qu’aux handicaps invisibles.
À 31 ans, Elizabeth Lowe, qui est atteinte de paralysie cérébrale – un trouble chronique qui affecte son sens de l’orientation dans l’espace, ses mouvements et sa posture -, est partie pour la première fois sans sa famille. Avec son amoureux, elle s’est rendue à La Malbaie pour un week-end à deux dans Charlevoix et elle le confirme: voyager quand on a un handicap, ça ne s’improvise pas.
Avant de partir, Elizabeth a notamment dû se renseigner sur le transport et s’assurer que la chambre adaptée réservée à l’Hôtel Richelieu serait bien adaptée à ses besoins et à ceux de son amoureux, qui est atteint de spina-bifida (une malformation de la colonne vertébrale) et qui se déplace en fauteuil roulant.
«C’est toute une logistique: on doit tout réserver à l’avance, penser au moindre détail, raconte-t-elle. Donc ça vient avec une certaine charge mentale et c’est vrai que ça ne laisse pas beaucoup de place à la spontanéité.»
Au Québec depuis 40 ans, l’organisme Kéroul travaille à rendre le tourisme plus inclusif et accompagne les personnes en situation de handicap qui souhaitent partir en vacances ou profiter de loisirs près de chez elles. En plus de répertorier les lieux ainsi que les activités touristiques accessibles au Québec sur sa plateforme Le Québec pour tous et de donner des conférences sur le sujet, l’organisme a aussi élaboré plusieurs guides pour faciliter la vie des personnes en situation de handicap ayant soif de voyage.
C’est clair que ça demande pas mal plus de planification. Je ne peux pas juste décider de m’en aller demain à Cuba dans un tout-inclus, il y a des enjeux supplémentaires dont il faut tenir compte. La première chose à faire, c’est donc de bien évaluer ses besoins.
Isabelle Ducharme, présidente de l’organisme Kéroul
Par exemple, si une personne à mobilité réduite a besoin d’un lève-personne, pourra-t-elle en louer un sur place? Une personne ayant une déficience visuelle pourra-t-elle facilement se repérer dans l’aéroport dans un autre pays? Des taxis accessibles seront-ils disponibles à destination?
Sortir de sa zone de confort
Évidemment, comme pour tout voyage, les choses ne se passent jamais exactement comme prévu. Il faut donc être prêt.e à faire face aux imprévus et à sortir de sa zone de confort, souligne Isabelle Ducharme.
Elizabeth et son amoureux en ont d’ailleurs fait l’expérience. Lors de leur arrivée à La Malbaie, ils ont dû demander de l’aide pour se déplacer à cause de plusieurs obstacles sur leur chemin (une rampe trop raide, notamment) et ont appris que le transport adapté n’était en fait pas offert les fins de semaine, et ce, même s’ils avaient bien fait leur réservation. Une situation qui les a obligés à faire appel à une compagnie de taxi privée.
Outre ces complications logistiques, tous deux ont apprécié leur séjour à l’hôtel, où la chambre adaptée leur a permis de vivre un séjour vraiment confortable.
«Je ne pourrais pas voyager seule, mais refaire un voyage avec mon copain au Québec, oui, ça pourrait se faire. On n’est pas prêt à partir en Grèce à dos d’âne mettons, mais on va y aller par petites bouchées et, par exemple, j’aimerais bien un jour aller en croisière aux Îles-de-la-Madeleine. Parfois, il faut oser», conclut-elle.
Développer le tourisme accessible
Pour permettre aux personnes en situation de handicap de voyager davantage et plus facilement, Julie Montreuil, codirectrice du Carrefour familial des personnes handicapées, croit que le gouvernement doit être plus proactif.
«Ça prend des politiques claires et précises. Ici, à Québec, il n’y a pas d’exigence dans la réglementation pour ce qui concerne l’accessibilité des terrasses et, tant qu’on ne mettra pas de pénalité, ça ne bougera pas», illustre-t-elle.
Tout comme Kéroul, son organisme veut aussi changer la perception que la société peut avoir du handicap. C’est selon elle une des clés pour favoriser l’inclusion.
Ça dérange d’y penser, mais on peut tous un jour être touché par le handicap et ce n’est pas pour autant qu’on ne voudra plus profiter de la vie.
Julie Montreuil, codirectrice du Carrefour familial des personnes handicapées
«On ne se sent pas concerné par les enjeux d’accessibilité jusqu’à tant que ça nous touche et c’est là qu’on se rend compte qu’il y a encore beaucoup à faire», ajoute-t-elle.