Ahuntsic-Cartierville autorisera l’élevage de poules urbaines dans le cadre d’un projet pilote d’un an et demi. Un organisme de protection des animaux s’interroge sur l’avenir de tous ces animaux quand ils ne donneront plus d’œufs et seront abandonnés par leurs propriétaires.
Une cinquantaine de foyers pourront avoir entre deux et cinq poules dans leur jardin. Ils devront s’inscrire sur la plateforme «Cultive ta ville» et disposer d’un poulailler quatre saisons.
Une ordonnance votée par l’arrondissement en juillet a été validée par le comité exécutif de la Ville de Montréal.
Avec cette décision, Ahuntsic-Cartierville rejoint le nombre grandissant d’arrondissements qui ont autorisé des gallinacés sur leur territoire ou sont en voie de le faire.
«Il y’en a plusieurs qui en sont à différents stades de leur réglementation», indique la directrice des services juridiques et de la défense des animaux de la SPCA de Montréal, Me Sophie Gaillard.
Elle cite notamment Rosemont—La Petite-Patrie, Anjou, Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Ville-Marie, Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles et la Ville de Montréal Est.
Or, ces permissions qui se multiplient augmentent aussi le risque de voir plus d’animaux abandonnés. La SPCA assure qu’elle n’a pas les moyens de répondre à une hausse incontrôlée de la demande.
Me Gaillard plaide pour un programme plus large, conçu avec la SPCA et qui suppose aussi des moyens financiers supplémentaires.
«Nous avons des débouchées très limitées à ce niveau-là [la gestion des animaux de ferme]. Il faut développer des façons de gérer avec la Ville. Cela va impliquer des déboursés au niveau des fonds publics», prévient-elle.
Les craintes de l’organisme se fondent sur un rapport du laboratoire d’agriculture urbaine AU/LAB, publié en février 2019 après deux ans d’essais à Rosemont—La Petite-Patrie.
«Une très faible proportion des répondants, soit moins de 10%, pense garder leurs poules lorsque ces dernières pondront moins ou plus du tout d’œufs, alors que plusieurs pensent les renvoyer en campagne ou les faire abattre», lit-on dans le document.
Réponse attendue
La démarche d’Ahuntsic-Cartierville découle d’une demande de citoyens mainte fois réitérée auprès des élus. Elle intervient aussi parce que des personnes contreviennent déjà à la loi.
«Comme institution publique, nous avons le devoir de dire si c’est permis ou non. Alors nous devons encadrer l’activité ou bien sévir contre les contrevenants», soutient la mairesse d’Ahuntsic-Cartierville, Émilie Thuillier.
L’élevage des poules a été interdit à Montréal en 1966 par l’administration Jean Drapeau.
«La Ville a pris son temps pour bien faire les choses et a donné, en février 2021, le droit aux arrondissements d’aller vers des projets pilotes, comme celui qui fait l’objet notre ordonnance», explique Mme Thuillier.
Toutefois, la disposition votée par les élus ne fait pas l’unanimité. «J’ai un malaise avec cette décision et je ne pense qu’il faille y aller à la pièce, par arrondissement», soutient le conseiller de la Ville dans Saint-Sulpice, Hadrien Parizeau.
Il mentionne aussi le cadre urbain qui diffère d’un quartier à un autre à Montréal, ce qui, selon lui, nécessite une réflexion plus approfondie pour autoriser l’élevage des poules en jardin.
M. Parizeau note également que la SPCA n’a pas été consultée.
Stratégie concertée
La SPCA a l’obligation d’accueillir les animaux non désirés, aux termes d’une entente signée avec l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville, qu’ils soient domestiques ou de la ferme. Toutefois, au moment où était paraphé l’accord, cette ordonnance n’était pas à l’ordre du jour.
«Nous croyons qu’il faut une stratégie au niveau de la ville-centre pour répondre de manière adéquate à tous les problèmes qui seront soulevés», explique Me Gaillard.
La SPCA se dit ouverte pour faire cela de manière responsable et respectueuse du bien-être animal, mais demande un moratoire pour prendre un pas de recul avant de donner le feu vert aux poules dans les jardins.