Les infirmières n’ont plus le temps de donner correctement à manger aux résidents du CHSLD Laurendeau, à Ahuntsic-Cartierville. La situation est dramatique dans cet établissement où plus de la moitié des bénéficiaires sont infectés par la COVID-19 et où on compte déjà une trentaine de décès.
Le CHSLD du boulevard Gouin Est est devenue un foyer d’éclosion le 31 mars. «Les patients ne mangeraient pas de manière optimale parce qu’il manque de staff pour bien les alimenter», indique Kathleen Bertrand, présidente du Syndicat des professionnelles en soins du Nord-de-l’Île-de-Montréal (SPSNIM-FIQ).
Elle a appris que durant la fin de semaine, il y avait en moyenne une infirmière auxiliaire pour 50 patients. Les résidents ont différentes problématiques et il faut davantage de temps pour les repas.
«Lorsqu’un patient ne réagit pas ou n’ouvre pas la bouche, l’infirmière passe au suivant parce qu’elle n’a pas le temps», explique Mme Bertrand.
Outre la nourriture, divers soins sont plus longs à donner également. «On aurait des patients qui resteraient de nombreuses minutes ou heures dans des culottes d’incontinence souillées parce qu’il manque de bras pour aller les changer», précise la présidente syndicale.
Les délais pour les médicaments s’allongent aussi. «On me dit qu’une dame a demandé sa morphine le matin et elle ne l’a reçu qu’en plein milieu d’après-midi. C’est comme six heures plus tard», déplore-t-elle.
Débordées
Les infirmières ont du mal à répondre aux exigences alors que les conditions d’hébergement en pleine pandémie nécessitent des tâches supplémentaires. «Les médecins demandent qu’on fasse la tournée des signes vitaux de tous les patients, soutient Mme Bertrand. Si je suis juste une seule infirmerie pour 50, cela devient problématique.»
Le manque de personnel est également rapporté par les préposés aux bénéficiaires (PAB). «Il y a beaucoup à faire, confirme Benoit Taillefer, vice-président au syndicat de la Fédération de santé et de services sociaux-CSN du CIUSSS. Des membres nous informent que les infirmières leur disent ‘faites ce que vous pouvez’.»
Une situation difficile qui fait craindre le pire aux infirmières. «J’ai dit à l’employeur, si ça se trouve ces gens ne vont pas décéder de la COVID, mais ils vont mourir des mauvais soins qu’ils reçoivent», déplore Mme Bertrand.
«On me parle carrément d’en état de guerre, je trouve que c’est excessif, mais c’est une image qui est riche de sens», souligne note M. Taillefer.
Selon les membres de son syndicat, tout le CHSLD Laurendeau est considéré comme une zone chaude.
Causes
Le manque de personnel serait dû à plusieurs facteurs. Le CIUSSS du Nord-de-l’île-de-Montréal a indiqué vendredi que 371 employés avaient été contaminés par le nouveau coronavirus pour l’ensemble des établissements. Un manque difficile à remplacer.
«Il y a du personnel qui a été retiré, car il a contracté la COVID-19. Mais il y a ceux qui viennent travailler et qui ne se sentent pas ne sécurité, surtout quand ils entendent qu’il manque des blouses. Ils sont anxieux. Ils ont l’impression de se faire envoyer à l’abattoir. Ils vivent cela tous les jours et ne rentrent pas.»
La représentante syndicale assure qu’elle a demandé à l’employeur si des moyens supplémentaires seraient mis en place, elle attend toujours des réponses. M. Taillefer a appris qu’il y a au moins 500 absences de PAB dans tout le CIUSSS.