Trois semaines après le décès d’un homme d’origine haïtienne lors d’une opération policière à Montréal-Nord, deux organismes font une série de revendications pour combattre la violence, la pauvreté et le profilage racial auxquels, selon eux, les communautés noires de la Ville sont confrontées.
Montréal-Nord Republik et Montréal Noir ont tenu un point de presse devant le poste de quartier 39, mercredi matin, pour interpeller les autorités. Ils font cinq revendications, dont l’élaboration d’un plan de lutte contre la pauvreté et la création d’une commission sur le racisme systémique.
«Les membres de nos communautés culturelles ne sont pas protégés comme les citoyens et citoyennes plus privilégiés de notre île. Ils sont victimes d’interventions discriminatoires, stigmatisantes, abusives, violentes et trop souvent mortelles par le Service de police de la ville de Montréal (SPVM)», clame Stella Jetté, porte-parole de Montréal Noir, organisme en lien avec le mouvement Black Lives Matter, initié en 2013 aux États-Unis après la mort de plusieurs Afro-Américains à la suite de contrôle des forces de l’ordre.
Cette dernière, par ailleurs intervenante sociale, évoque notamment le décès de Jean-Pierre Bony, touché par une balle de plastique lors d’une opération antidrogue le 31 mars, près de huit ans après celui du jeune Fredy Villanueva, abattu par un policier.
En compagnie de Montréal-Nord Republik, l’organisme dénonce «le traitement différencié infligé aux personnes racisées et les interventions déployées à leur égard par le SPVM».
Une commission contre le racisme systémique réclamée
Si ces deux mouvements souhaitent mettre fin au profilage racial et aux «contrôles de routines discrétionnaires» avec la mise en place d’une étude publique sur ce sujet et la remise d’un billet d’interpellation par le policier à l’individu concerné, ils réclament également la création d’une commission sur le racisme systémique par Québec.
«À Montréal, il n’y a que 4 élus sur 103 qui sont issus des minorités visibles, explique Will Prosper, fondateur de Montréal-Nord Republik. Il y a un racisme anti-noir et le problème est grave, car il ne touche pas seulement Montréal-Nord, mais aussi Montréal et l’ensemble du Québec.»
«Le gouvernement doit s’attaquer à ces problèmes, reprend M. Prosper. Il faut prendre une position contre le racisme systémique, peu importe la couleur des élus. On ne peut plus continuer ainsi. »
Un plan de lutte à la pauvreté
Les deux organismes, qui veulent que le rapport d’enquête à la suite du décès de Jean-Pierre Bony soit rendu public, s’interrogent aussi sur le fonctionnement du Bureau d’enquête indépendante (BEI), qui n’a toujours pas entamé ses activités bien que celles-ci devaient commencer le 1er avril.
«On rejette ce BEI tant et aussi longtemps que des policiers et ex-policiers vont y siéger», assure Stella Jetté.
Un plan de lutte contre la pauvreté, recommandation adressée à l’arrondissement de Montréal-Nord par le rapport du coroner Perrault en 2013, est également, à nouveau, exigé.
«Nous en parlons depuis 2008, mais toutes nos demandes ont été rejetées. On a un manque de leadership criant à Montréal-Nord. Tant qu’il y aura de l’insécurité économique, il y aura de l’insécurité sociale», regrette Will Prosper.
Ces revendications ont été notamment transmises à Christine Black (Équipe Coderre) et Kerlande Mibel (Projet Montréal), candidates à l’élection au poste de maire de l’arrondissement. Elles seront ensuite déposées le 9 mai au prochain conseil d’arrondissement de Montréal-Nord.
Le SPVM et le ministère provincial de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion n’ont pas souhaité réagir.
Les cinq revendications de Montréal Noir et Montréal-Nord Republik
1. La fin du profilage racial et des pratiques abusives de la police
2. La création d’une commission sur le racisme systémique par le gouvernement du Québec
3. Rendre public l’enquête policière sur Jean-Pierre Bony et dévoiler le nom du policier l’ayant tué
4. Un moratoire sur le Bureau d’enquête indépendante
5. Un plan de lutte à la pauvreté
Christine Black et Kerlande Mibel réagissent
Alors que Christine Black, candidate d’Équipe Coderre, explique «prendre connaissance en profondeur» de ces revendications après l’élection, Kerlande Mibel assure «comprendre ces problématiques.»
Pour la représentante de Projet Montréal, «oui, le racisme systémique et le profilage racial existent et il faut aborder ces sujets de front et non les ignorer.»
De son côté, Mme Black indique qu’«un travail a déjà été fait et qu’il faut continuer. Des consultations seront faites pour faire en sorte que nos communautés se sentent davantage en sécurité.»
Pour les deux candidates principales à ce scrutin, un plan de lutte à la pauvreté semble déterminant. «Le développement social et économique font partie de mes priorités, poursuit Mme Black. Il faut améliorer les conditions de vie de la population.»
Pour Mme Mibel, «l’insécurité économique marginalise les gens. Il est important de mettre rapidement ce plan en place.»