Rester prisonnier de la neige pendant une heure ou être confiné chez soi durant des semaines à la suite d’une tempête; il ne s’agit pas de scénarios tirés de romans d’horreur se déroulant dans le Grand Nord, mais de ce que subissent les personnes à mobilité réduite chaque hiver à Montréal.
Ces moments d’angoisse sont encore récents dans la mémoire de Claude Prévost, car il les a vécus il y a quelques semaines à peine.
M. Prévost, qui utilise un fauteuil roulant motorisé pour ses déplacements à l’extérieur, a été coincé chez lui pendant une semaine complète, pas une, mais deux fois durant cet hiver.
«Je réside dans un demi-sous-sol au sein d’une coopérative d’habitation à Pointe-aux-Trembles. À la suite des deux dernières grosses tempêtes de neige, ma rampe d’accès n’était plus praticable et le service de la coop n’avait pas dégagé ma cour anglaise après plusieurs jours», raconte-t-il.
Même après avoir appelé les services d’urgence, la situation ne s’est pas réglée.
«J’ai contacté le 311 et ils m’ont redirigé vers la caserne de pompier locale. Cependant, les pompiers ne voulaient pas intervenir pour déneiger la rampe, parce qu’elle se situe sur une propriété privée et non sur la voie publique. J’ai trouvé ça très ordinaire», se désole M. Prévost.
Résultat: celui-ci a été confiné à son logement pendant plusieurs jours cette cet hiver, et c’est comme ça chaque année, indique-t-il.
Prise dans la neige et la glace, elle vit un cauchemar
Sarah Limoges doit aussi se déplacer à l’aide d’un fauteuil roulant motorisé pour sortir de chez-elle, faire ses courses.
Mais ce n’est pas entre les quatre murs de son appartement d’Hochelaga qu’elle à vécu son calvaire cet hiver.
En effet, par un soir où elle était partie chercher ses médicaments à la pharmacie la plus proche, elle reste coincée pendant près d’une heure à plus d’une dizaine de rues de chez elle.
«J’ai tenté de monter un bateau pavé [bordure surbaissée d’un trottoir], mais j’ai été prise dans la neige. Il faisait noir et il n’y avait pas vraiment de passants dans le coin. J’ai essayé d’appeler quelqu’un, mais avec le froid, la batterie de mon cellulaire était à plat. Avec le facteur vent, il faisait moins 20 degrés Celsius», se souvient Mme Limoges.
Heureusement, une cinquantaine de minutes plus tard, un automobiliste la remarque et lui vient en aide.
Si c’est le plus longtemps que Mme Limoges est restée empêtrée de la sorte, ce n’est pas la première fois que cette situation survient.
«Tous les hivers, ça m’arrive d’être coincée comme ça, 10 ou 15 minutes chaque fois. Des gens finissent toujours à venir m’aider, mais un fauteuil motorisé ça pèse 300 livres sans compter mon poids. C’est parfois difficile de m’en sortir», mentionne-t-elle.
Le déneigement des bateaux pavés est un véritable fléau pour Mme Limoges, car les services de la Ville l’utilisent souvent pour entasser la neige.
Une situation à améliorer
Ces histoires d’horreur, Emely Lefrançois les entend fréquemment.
En effet, la responsable des communications pour l’organisme Ex aequo recueille pour une deuxième année ce genre de témoignages.
Après une première édition en 2017, les résultats préliminaires de l’enquête Escouade neige, un sondage mené auprès d’une centaine de répondants au courant de la saison hivernale 2019-2020, démontrent une insatisfaction généralisée des personnes à mobilité réduite concernant le déneigement des rues dans la métropole.
«C’est 84,62% [d’entre eux] qui affirment que le débarcadère près de leur maison n’est pas déneigé en même temps que le trottoir tout juste à côté. Ça contrevient à l’esprit de la Politique de déneigement de la Ville de Montréal et ça contrevient encore plus clairement à la Motion pour garantir des déplacements sécuritaires pour tous l’hiver, qui a été voté par le Conseil municipal en février 2019», affirme Mme Lefrançois.
Effectivement, la nouvelle Politique du déneigement prévoit «un rehaussement du niveau de service dans les normes d’accessibilité universelle afin d’assurer, en tout temps, la sécurité des déplacements pour les personnes à mobilité réduite en période hivernale, autant sur le domaine public que privé.»
On y inclut «l’obligation de déneiger les débarcadères pour personnes à mobilité réduite sur toute leur longueur en même temps que les trottoirs adjacents», et ce «sans pousser la neige devant le débarcadère», de même que «le déblaiement complet des bateaux-pavés».
Pourtant, à ce stade de l’hiver, 69,44% des répondants de l’Escouade neige se déclarent insatisfaits du déneigement des intersections et ils sont de 78,95% à noter que les 4 coins ne sont pas suffisamment dégagés pour permettre leur passage.
Il y a 218 000 Montréalais qui vivent avec une mobilité réduite et 36 000 d’entre eux utilisent les transports adaptés.
Mardi, la Ville de Montréal a lancé un nouveau chantier en accessibilité universelle «pour améliorer ses pratiques». La Ville souhaite notamment «rehausser les standards et les cibles à atteindre dans toutes ses pratiques». La nouvelle stratégie d’accessibilité universelle sera élaborée d’ici 2024.