Devant l’intérêt de promoteurs pour le secteur, des citoyens du Vieux-Pointe-aux-Trembles craignent de voir leur quartier bordé de bungalows se transformer en terre d’accueil pour des projets de complexes immobiliers. La mairesse Caroline Bourgeois a demandé à l’équipe d’urbanisme de l’arrondissement de se pencher sur la question.
Nicole Tutton réside sur une rue paisible du vieux quartier. Depuis l’hiver, un nouveau «huitplex» surplombe sa maison, lui faisant «perdre son intimité» et sa tranquillité. Elle concède que le besoin de nouveaux logements est réel, mais se demande pourquoi le projet a été réalisé sur une rue résidentielle comme la sienne.
Quelques maisons plus loin, une résidente soutient avoir ignoré un promoteur qui a démontré un intérêt pour sa maison. Elle craint cependant que la «belle» maison voisine, acquise par une entreprise, soit transformée en multiplex et que l’immense arbre qui trône sur le terrain soit rasé.
Chantal Laveault a la même inquiétude. La maison voisine à la sienne a été achetée par un investisseur immobilier. Selon elle, l’éventuelle construction d’un «plex» lui ferait «perdre la qualité de vie» qu’elle a cherchée dans le secteur en quittant Hochelaga, mais aussi la valeur des investissements faits sur sa maison.
Avec d’autres citoyens, elle a interpelé la mairesse d’arrondissement, Caroline Bourgeois, lui demandant d’agir afin de préserver le paysage actuel du Vieux-Pointe-aux-Trembles.
L’arrondissement RDP-PAT souhaite agir
Caroline Bourgeois concède d’emblée que les projets en cours ne peuvent être bloqués. En effet, les acheteurs qui ont acquis des propriétés l’ont fait de plein droit, et leurs projets respectent les normes d’urbanisme, explique-t-elle.
Le nombre de demandes pour des permis de démolitions résidentielles à Pointe-aux-Trembles est relativement stable depuis cinq et ne semble pas témoigner d’une multiplication de projets immobiliers. Or, selon Mme Bourgeois, l’arrondissement doit encadrer le développement dès maintenant afin d’être prêt pour une éventuelle ruée vers l’Est.
Elle a ainsi donné le mandat à l’équipe d’urbanisme de mettre en place «les leviers pour mieux encadrer les projets de densification», et éviter que des projets «à la pièce» se développent sans cohérence. Ils devront aussi déterminer quels quartiers seraient plus propices à la densification urbaine. «On veut une offre complète. Du trois et demi, 4 et demi, ça répond à un besoin et c’est important. Mais on veut aussi garder une offre de maison unifamiliale.»
Embourgeoisement?
Les citoyennes rencontrées s’inquiètent par ailleurs que les nouveaux développements entrainent un embourgeoisement du secteur. À titre d’exemple, le promoteur du «huitplex» affichait des 4 et demi à louer pour un minimum de 1200 dollars par mois. Un prix que Mme Tutton trouve peu abordable pour le secteur.
Catherine Cliche, organisatrice communautaire à Infologis de l’est de l’île de Montréal, craint également de voir le secteur s’embourgeoiser avec la venue du REM de l’Est et le projet de développement immobilier de la Société de développement Angus. «S’il n’y a pas des bâtiments ou des terrains déjà réservés par la ville-centre ou l’arrondissement pour des projets sociaux et communautaires, ça va continuer de pousser les gens plus précaires vers l’extérieur», s’inquiète-t-elle.
Caroline Bourgeois concède que dans ce contexte, « il sera d’autant plus important d’encadrer le tout». Si aucun projet de logement social n’est «sur la table» présentement, elle rappelle que le nouveau règlement de la ville de Montréal [20/20/20], doit comprendre des logements sociaux et familiaux. «Je vais suivre de façon très serrée les nouveaux projets de développement pour s’assurer qu’on aura ce nombre de logements».
Pointe-aux-Trembles n’est pas exempt de l’accélération de la fièvre immobilière
Des statistiques immobilières du site Centris démontrent que le prix de vente médian des unifamiliales à Pointe-aux-Trembles a fait un bond de 83 000$ lors de la dernière année. Celui des condominiums a augmenté de 60 000$. «Les délais de vente sont également plus courts», indique Nicolas Montmorency, courtier immobilier chez Via Capitale Distinction.
«[Dans les secteurs de RDP-PAT et Montréal-Est], on peut constater que, par rapport à l’an passé, il y a environ 50% moins de propriétés à vendre, mais que les ventes sont demeurées stables. La rareté favorise le vendeur, c’est pourquoi les prix sont poussés à la hausse», analyse le courtier.