Le passage de nombreux cyclistes sur des rues piétonnes de Montréal sème la grogne auprès des résidents et crée un débat sur les mesures que devrait prendre la Ville pour faire face à cet enjeu.
Afin de faciliter le respect de la distanciation physique dans le cadre de la crise sanitaire, la Ville a décidé cet été de piétonniser plusieurs tronçons de rue. C’est le cas notamment de la rue de la Commune Est, dans le Vieux-Montréal, de la rue Wellington, à Verdun, de l’avenue du Mont-Royal et d’un tronçon de rue Saint-Denis, dans le Quartier latin. La rue Sainte-Catherine Ouest, pour sa part, n’est pour l’instant piétonne que le week-end, mais la mairesse Valérie Plante envisage de rendre cette initiative effective toute la semaine si l’engouement est au rendez-vous.
Cyclistes récalcitrants
Généralement, les rues piétonnes de la métropole disposent à leur entrée de panneaux de signalisation. Ceux-ci indiquent aux cyclistes qu’ils doivent marcher à côté de leur vélo. Il y aurait toutefois de nombreux récalcitrants à cette règle.
«Le plaisir de Mont-Royal d’être piétonnier, c’est de la marcher, ce n’est pas d’en faire une piste cyclable. C’est une question de respect. Parce que sinon, on va avoir des accidents», martèle à Métro le propriétaire de l’Intermarché Boyer de l’avenue du Mont-Royal, Franck Hénot. Ce dernier affirme d’ailleurs avoir vu dans les derniers jours des citoyens se faire «accrocher» par des cyclistes sur l’artère commerciale, qui a connu un fort engouement ce week-end. Il presse ainsi la police de Montréal à sévir contre les cyclistes récalcitrants
«Ça prend une bonne campagne de sensibilisation pour inciter les gens à rouler moins vite et une présence policière pour cibler les gens qui roulent trop vite», estime pour sa part le Montréalais Denis Méthé, qui demeure près de l’artère commerciale.
Un point de vue que partage sensiblement Vélo Québec, qui demande aux cyclistes de ralentir lorsqu’ils circulent sur des rues piétonnes et à adapter leurs comportements en fonction de l’achalandage sur celles-ci.
«C’est un peu un changement de culture à adopter. Il faut se dire que ce n’est pas en fonction des panneaux qu’il faut s’adapter, mais en fonction de ce qui se passe autour de nous», estime la chargée de programmes à l’organisme, Magali Bebronne.
Contacté par Métro, le Service de police de la Ville de Montréal a indiqué que les cyclistes qui ne respectent pas la signalisation sur les rues piétonnes s’exposent à des amendes de 58$ avec les frais. Il n’a toutefois pu préciser combien de constats avaient été émis dans les dernières semaines en lien avec cette infraction.
«Un meilleur partage de l’espace»
L’expert en planification des transports Pierre Barrieau, qui fait état de situations conflictuelles entre piétons et cyclistes sur la rue Sainte-Catherine Ouest, estime que la Ville devrait revoir l’aménagement de ses rues piétonnes. Il propose notamment de créer une voie cyclable au centre de celles-ci, par exemple en utilisant des bollards.
«Lorsqu’il y a trop de comportements délinquants, le problème, ce ne sont pas les gens, c’est plutôt que l’urbanisme ne répond pas aux besoins de la population», tranche le chargé de cours à l’Université de Montréal.
En permettant aux cyclistes de circuler sur les voies piétonnes, la Ville augmenterait «l’accessibilité» à celles-ci, ce qui est essentiel pour assurer le succès de ces aménagements, selon l’expert. Dans la même veine, l’administration municipale devrait selon lui envisager de permettre le passage de certains bus de taille réduite de la Société de transport en commun sur les rues piétonnes, estime M. Barrieau.
«Quand on piétonnise une rue, il faut s’assurer de conserver son accessibilité. C’est le nerf de la guerre.» -Pierre Barrieau, expert en planification des transports
Dans une déclaration écrite, le cabinet de Mme Plante souligne que la signalisation sur les rues piétonnes «est claire et exige des cyclistes de circuler à pied». Ceux qui désirent «circuler sur leur vélo peuvent utiliser les autres aménagements spécifiques prévus à cet effet», indique son attachée de presse, Catherine Cadotte.