La Ville de Montréal a présenté jeudi un budget presque aussi massif que l’an dernier alors même que la crise sanitaire du coronavirus malmène ses finances. Pour équilibrer celui-ci, elle mise sur l’aide de Québec et un accroissement de sa dette.
L’administration de Valérie Plante a présenté jeudi son budget 2021, de 6,167 G$, en baisse de 1,5 M$ par rapport au précédent, qui était pour sa part environ 8% supérieur à l’exercice de 2019.
Malgré la pandémie, la Ville offrira de nombreux cadeaux aux Montréalais en 2021, qui représente d’ailleurs une année électorale. Ainsi, comme promis, les résidents comme les commerçants bénéficieront d’un gel des taxes foncières de la part de la ville-centre, ce qui devrait faire perdre 56 M$ à la Ville.
«On est particulièrement fiers de ce budget, qui est collé à la réalité des Montréalais et des Montréalaises», a déclaré la mairesse de Montréal, Valérie Plante, lors d’une conférence tenue au Marché Bonsecours, en fin d’avant-midi.
La majorité des arrondissements hausseront toutefois leurs taxes de services, de façon très variable d’un endroit à l’autre. Cette augmentation sera par exemple de 1,8% dans le Plateau-Mont-Royal, soit sous le niveau de l’inflation, mais de 5% dans le Sud-Ouest et de 8% dans Pierrefonds-Roxboro. Cela n’aura toutefois peu d’impacts sur la facture globale de la plupart des propriétaires de logements, puisque les arrondissements ne gèrent que 20% de la facture fiscale de la Ville. Ainsi, la croissance moyenne des taxes foncières sera de 0,2% pour les résidents en 2021.
Les revenus fonciers constitueront malgré tout 64,7% des revenus de la Ville l’an prochain, soit 0,5% de plus que l’an dernier. Une situation qui survient alors que la métropole connaît depuis quelques années un véritable boom immobilier.
Toujours autant pour la police
La Ville prévoit d’ailleurs une hausse de 14,6 M$ du budget du Service de police de la Ville de Montréal l’an prochain, pour un total de 679,1 M$.
«Police partout, justice nulle part!», ont scandé une quinzaine de manifestants, qui ont fait irruption dans le Marché Bonsecours, des affiches à la main, pour réclamer une réduction du budget de la police de Montréal au profit de services communautaires.
Cet été, Mme Plante s’était montrée ouverte à réviser le financement du corps de police, comme le demandent de nombreux organismes souhaitant lutter contre le profilage racial. Elle préfère toutefois reporter cette réflexion à plus tard pour l’instant en raison de la crise sanitaire.
«En pleine pandémie, de faire un bris de service au SPVM, pour moi, ce ne serait pas responsable, ce ne serait pas la bonne chose à faire.» -Valérie Plante, mairesse de Montréal
Du répit pour les commerçants
Les commerçants bénéficieront d’ailleurs d’allègements fiscaux additionnels. L’an passé, la Ville avait annoncé un allègement fiscal de 12,5% pour la première tranche de 625 000$ de la valeur des immeubles non-résidentiels. Elle va maintenant plus loin en rehaussant ce seuil à 750 000$ tout en bonifiant cet allègement. Ce sont ainsi les deux tiers des commerçants qui pourront bénéficier d’une réduction de leur charge fiscale totale d’environ 16%, affirme la Ville.
Afin d’aider les commerçants affectés par la crise sanitaire, la Ville entend par ailleurs présenter en 2021 un deuxième plan de relance économique de 50 M$, en complément à celui de 22 M$ présenté cet été.
En contrepartie, les propriétaires d’immeubles non-résidentiels de plus de 10 M$ verront leur charge fiscale augmenter de 1,3% en moyenne, indique le budget. Une mesure qui pourrait affecter plusieurs commerces du centre-ville, le secteur géographique qui a le plus écopé de la crise sanitaire dans les derniers mois.
Tarification sociale
En 2017, Projet Montréal avait notamment promis de mettre en place un système de tarification sociale à la Société de transport en commun, notamment en permettant aux aînés et aux enfants de monter à bord des bus et du métro gratuitement.
Dans son budget 2021, la Ville de Montréal prévoit investir 9,3 M$ pour concrétiser en partie cette promesse, alors même que les revenus de la STM ont écopé d’une forte baisse d’achalandage dans les derniers mois. L’administration Plante a fait une demande à l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) afin que les personnes âgées de 65 ans et plus, qui paient déjà un tarif réduit, bénéficient d’une réduction additionnelle de 50% dans le réseau de la STM.
«Concrètement, pour un aîné, ça fait 320 dollars de plus dans ses poches sur une base annuelle», a affirmé Valérie Plante.
Les enfants de moins de 12 ans pourront pour leur part prendre les bus et le métro gratuitement. Ces mesures devraient s’appliquer dès le 1er juillet 2021 et seront financées entièrement par la Ville.
Contacté par Métro, l’ARTM a toutefois indiqué ne pas avoir encore donné son aval à cette demande, bien qu’elle soit «ouverte» à celle-ci. Une décision finale devrait venir en décembre, a-t-elle précisé.
«Il n’y a pas de doute que ce projet prend en compte les élections municipales à venir l’année prochaine», a réagi en mêlée de presse le chef d’Ensemble Montréal, Lionel Perez.
La dette se creuse
Dans les derniers mois, la crise sanitaire a creusé les finances de la Ville. En date du 31 août, elle anticipait ainsi un déficit pouvant atteindre 129 M$ cette année, en excluant les impacts de la crise sanitaire sur le transport en commun.
Si l’administration municipale a réussi à présenter une budget équilibré jeudi, c’est donc en bonne partie grâce à l‘aide financière de 263,5 M$ offerte par Québec pour les années 2020 et 2021.
La Ville avait par ailleurs prévu dans son précédent budget que sa dette nette atteigne quelque 6,2 G$ en 2021. Elle a toutefois revu cette prévision à la hausse d’environ 200 M$. La Ville prévoyait en outre l’an dernier que sa dette commencerait à baisser en 2022. Or, elle devrait plutôt atteindre 6,5 G$ d’ici 2023.
«On est dans le 911. On est dans l’alerte rouge», a prévenu M. Perez, qui affirme que la Ville «n’a jamais été aussi endettée».
L’administration municipale assure pour sa part que sa dette est sous contrôle.
«On poursuit notre stratégie d’être responsable et de viser à limiter la croissance de celle-ci […] On respecte notre plan de match», a affirmé le président du comité exécutif, Benoit Dorais.
La Ville anticipe d’ailleurs toujours d’avoir une dette équivalant à 100% de ses revenus en 2027.
Itinérance
La Ville de Montréal entend par ailleurs dépenser 10 M$ l’an prochain pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion, de même que 3 M$ en itinérance. Un premier centre de consommation contrôlée d’alcool verra d’ailleurs le jour en janvier sur le site de l’ancien hôpital Royal-Victoria, alors que le nombre de sans-abri montréalais est en forte augmentation depuis le début de la pandémie.
L’administration municipale prévoit par ailleurs investir 140,5 M$ l’an prochain pour tenter de compléter sa promesse d’aménager 12 000 logements sociaux et abordables d’ici la fin de son premier mandat. Elle accordera aussi une somme additionnelle de 1,08 M$ à l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM) pour soutenir les ménages pour épauler les ménages qui peineront à trouver un nouveau logis après la prochaine période de déménagement.
Actuellement, une vingtaine de ménages qui n’ont pu trouver un nouveau logis le 1er juillet sont toujours hébergés par l’OMHM.