Plusieurs centaines d’itinérants à Montréal pourraient dormir à l’extérieur cet hiver, selon le milieu communautaire.
Une rencontre entre la mairesse Valérie Plante et le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux Lionel Carmant avait lieu lundi afin de discuter de la problématique de l’itinérance.
L’une des mesures prises aujourd’hui est de rétablir l’état d’urgence à Montréal, levé depuis le 27 août. Cela permettra entre autres de contourner la question du zonage qui empêche la Ville de réquisitionner certains hôtels pour en faire des refuges d’urgence, ce qui a entre autres retardé l’ouverture d’un lieu d’hébergement dédié aux personnes autochtones.
«Pour les personnes autochtones en situation d’itinérance, ç’a été annoncé fin octobre qu’on allait ouvrir une ressource 24/7, mais c’est complètement bloqué depuis», déplore Heather Johnston, directrice générale de Projets Autochtones du Québec (PAQ).
Les deux refuges que gère cet organisme sont actuellement pleins à craquer, explique Mme Johnston.
On a déjà eu un décès au sein de la communauté autochtone cet hiver. On en a eu plusieurs l’hiver passé. On ne peut laisser les gens dans la rue tout l’hiver pour des questions de « pas dans ma cour ».
Heather Johnston, DG de PAQ
Manque de places
La situation est très préoccupante selon Michel Monette, directeur général de CARE Montréal, un organisme faisant la gestion de trois refuges dans l’est de Montréal. Ses partenaires communautaires et lui estiment que 300 personnes en situation d’itinérance pourraient être contraintes de dormir dans la rue cet hiver par manque de places. Un chiffre qui se veut conservateur, juge-t-il.
M. Monette rappelle que le plan actuel à Montréal est de 1550 places en hébergement d’urgence, ce qui est 100 places de moins que l’année dernière.
«Si on considère l’augmentation des personnes en situation en itinérance, qui est un groupe en croissance, et qu’on considère qu’il peut y avoir des éclosions dans nos centres, ce qui provoque des fermetures de places, on évalue qu’il y a un manque d’environ 300 places.»
CARE Montréal a dû faire face à une éclosion plus tôt cet automne, ainsi que PAQ. Une autre serait également en cours à l’Hôtel Dieu, selon les deux organismes.
Michel Monette soutient que le milieu communautaire a avisé les autorités au mois de juin que «cela allait arriver» et qu’ils étaient prêts à opérer un 150 places supplémentaires sur le mode 24/7.
On a déposé, avec les partenaires un projet, au mois de juin, en disant qu’il fallait cesser d’être dans l’urgence et là, on se retrouve le 20 décembre et on n’a toujours pas de places. Même si la Ville et Québec trouvent un hôtel demain matin, il faut quand même trouver le personnel. Personne n’est en mesure en deux semaines d’opérer un centre comme ça.
Michel Monette, DG de CARE Montréal
Ce que souhaite le milieu communautaire, c’est réduire l’itinérance chronique.
«La raison pourquoi il y a une congestion, c’est que je ne suis pas capable de mettre les gens en itinérance chronique en logement. Si je pouvais le faire, je serais en mesure de libérer des places dans les refuges d’urgence.»
De grands besoins
Sans donner d’échéancier, la Ville de Montréal soutient qu’elle poursuit présentement ses travaux avec les organismes autochtones pour trouver un site potentiel qui accueillera un lieu pour les personnes autochtones vivant en situation d’itinérance.
Plus largement, la Ville se dit consciente qu’il y a encore de grands besoins afin de desservir les gens en situation d’itinérance, notamment en raison de la recrudescence de la pandémie et du variant Omicron.
«C’est pourquoi tous les efforts nécessaires sont actuellement déployés dans la recherche de sites additionnels. Montréal travaille sans relâche avec ses partenaires pour s’assurer que tout le monde ait une place où dormir au chaud cet hiver», indique le relationniste de la Ville, Guillaume Rivest.
En point de presse mardi, la mairesse Valérie Plante a rappelé que la cible de 1550 lits a été fixée par Québec. À la lumière de la virulence du variant omicron, on doit anticiper que le besoin sera plus grand, a-t-elle admis.
Un total de 1434 places serait actuellement disponible.
Réaction de l’opposition
Réagissant au point de presse de Valérie Plante, le porte-parole de l’Opposition officielle sur le dossier de l’itinérance et de la jeunesse, Benoît Langevin, ne comprend pas que la Ville attende chaque année au mois de novembre pour annoncer ses mesures hivernales.
«Cela fait en sorte que les groupes communautaires ne sont pas capables d’être opérationnels avant qu’il fasse des -20°C», déplore-t-il.
Au sujet de la cible de 1550 lits, M. Langevin trouve ironique que Valérie Plante sous-entende qu’il faudrait revoir cet objectif à la hausse lorsqu’elle «n’est même pas capable d’ouvrir les places qui sont commandées par Québec».
Selon lui, la Ville aurait dû se constituer une «banque d’espaces» dès le mois de juin pour être prête à faire face à la saison hivernale, mais également aux éclosions dans les refuges.