La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, demande au ministre de la Sécurité publique d’enquêter sur son propre corps de police à la suite de la mort de Nooran Rezayi.
Dans une publication diffusée sur Facebook, Mme Fournier affirme avoir «été mise au fait d’informations très sérieuses» indiquant que des manquements à la loi et aux exigences envers le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) ont eu lieu à la suite de l’intervention ayant coûté la vie à l’adolescent.
Nooran Rezayi est mort sous les coups de feu d’un policier lors d’une intervention survenue à Longueuil en septembre. Depuis, le Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) et le BEI ont tous deux été critiqués pour la gestion de l’affaire.
«Durant les trois dernières semaines, j’ai mené un rigoureux processus de validations, notamment juridiques, pour vérifier les options à la disposition de la Ville de Longueuil dans ce contexte. Comme la Ville ne peut pas s’immiscer dans les opérations policières pour des raisons légales, une seule option se dégage clairement dans la loi: celle de demander au ministre de la Sécurité publique d’entreprendre les démarches pour lancer une enquête sur le SPAL en vertu de l’article 279 de la Loi sur la police. C’est ce que j’ai fait officiellement ce matin», poursuit la mairesse.
Sur X, le ministre Ian Lafrenière a dit analyser la demande de la mairesse.
Longs délais, enquête en parallèle
Dans des lettres mises en ligne par Mme Fournier, on note que le BEI reproche au SPAL plusieurs éléments qui pourraient nuire à son enquête. La directrice du BEI, Me Brigitte Bishop, souligne plusieurs fois que le délai de 1h36 entre les tirs du policier et le moment où son bureau a été notifié est très long.
Lors d’une situation nécessitant l’intervention du BEI, les policiers conservent certaines responsabilités. Ils doivent notamment sécuriser les lieux et identifier des témoins que les enquêteurs pourront ensuite interroger. La situation doit aussi passer par plusieurs niveaux hiérarchiques avant l’appel au BEI.
Or, Me Bishop souligne que ce processus prend seulement 33 minutes en moyenne.
L’avocate reproche aussi au SPAL d’avoir interrogé plusieurs témoins avant l’arrivée de ses enquêteurs. Les policiers seraient allés bien plus loin que la simple identification de témoins, recueillant pas moins de 16 déclarations écrites.
Ces entrevues comportaient des questions portant directement sur les événements impliquant votre propre corps policier, ce qui crée des enjeux importants quant à l’apparence d’indépendance des démarches entreprises. Nous avons par la suite dû rassurer certains témoins et reprendre plusieurs de ces entrevues.
Me Brigitte Bishop, directrice du BEI
Elle souligne aussi que la police a cherché des vidéos de l’incident avant de notifier le BEI.
Selon le directeur du SPAL, Patrick Bélanger, les policiers ont agi de bonne foi.
«À ce sujet, nos policiers, bien intentionnés, avaient pour objectif d’obtenir le maximum d’informations afin de s’assurer qu’il n’y avait plus de menace, qu’il n’y avait pas d’individus potentiellement armés en fuite pour ensuite prendre les dispositions qui s’imposent dans de telles situations. En aucun moment ces actions ne visaient à avoir préséance sur l’enquête du BEI», écrit M. Bélanger.
Une explication rejetée du revers de la main par le BEI.
La famille choquée
Jeudi, la famille de Nooran Rezayi s’est dite «profondément choquée» par les informations décrites dans les lettres du BEI et du SPAL, dans un communiqué envoyé par ses avocats.
Il s’agit d’une ingérance manifeste du SPAL dans l’enquête du BEI afin de protéger ses collègues, au mépris des lois et des principes fondamentaux de justice.
Extrait d’un communiqué des avocats de la famille Rezayi
«Il est grand temps que ces comportements soient sanctionnés. Le mépris affiché par les agents du SPAL envers l’enquête du BEI ne peut rester impuni», poursuivent les avocats de la famille.
La démarche de Catherine Fournier survient deux jours après le dépôt d’une poursuite de 2,2 M$ contre la Ville et le SPAL par la famille de Nooran Rezayi.
La famille souhaite, par sa poursuite, faire la lumière sur l’incident. Elle souhaite notamment rendre publiques les vidéos de surveillance obtenues par la police.
Les avocats de la famille ont aussi diffusé leurs propres vidéos, obtenues des caméras d’un résident. Elles ne montrent pas les tirs, mais on voit une voiture de police arriver, on entend un agent crier et des coups de feu retentir. Le tout en 10 secondes, environ.
Voici la lettre de Catherine Fournier demandant une enquête ministérielle: