Rio

Quai de la station Peel, direction Honoré-Beaugrand. 11 h 25. La première fois que je l’ai vu, c’était au mois de juillet. Je me souviens de la chaleur caniculaire. Il s’exprimait avec assurance au sujet de l’Alaska et de la fonte des banquises. «C’est à cause des parcelles invisibles qui brillent dans le noir. Le plancton céleste gruge la calotte glaciaire!» avait-il
dit avec la conviction d’un Charles Tisseyre.

Huit mois plus tard, il fait un froid polaire. Je le reconnais immédiatement à cette manière qu’il a de cabrioler d’une personne à l’autre. Il danse autour de chacun de nous comme si nous étions autant de feux de camp. Cette fois, il théorise sur Rio de Janeiro. Il pratique une bossa-nova surprenante. Et sa partenaire imaginaire se tient bien près de la limite du quai.

Il frôle les frontières du précipice, puis revient vers moi cette fois. À maintenant deux pouces de mon visage, l’homme d’environ 40 ans aux cheveux noirs en bataille parle haut et fort afin d’enterrer sa musique imaginaire. Imaginaire, parce qu’il est muni d’écouteurs… qui ne sont reliés à rien. Mais, de toute évidence, il entend des choses en stéréo.

«Au Brésil, ils n’ont pas de montre parce que ça structure le temps. Y’en ont pas besoin. Y sont déjà dans le futur. Pis y’ont la plage. Qui veut savoir l’heure quand y’a la mer?!»

Impressionnée, je recule un peu. Je ne peux pas voir ses yeux, car ses lunettes fumées sont opaques. Je n’ai accès ni à son regard, ni à sa logique improbable. C’est le carnaval dans sa tête. Nous en sommes spectateurs, ne pouvant que regarder passer sa parade. Je consulte ma montre, n’ayant pas la mer.

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.