L'exotisme

C’est vendredi et il est 16 h à la station de métro Mont-Royal, direction Côte-Vertu. Elle a quelque 20 ans. Elle est assurément asiatique. Je décide, pour les besoins de l’histoire, qu’elle est Japonaise. Elle monte devant moi à bord de la voiture et prend place sur un banc double.

Je me pose discrètement sur le siège à ses côtés, le seul resté libre. Je prends soin de ne pas entrer dans sa bulle trop brusquement. Elle fouille dans un grand sac de coton fleuri. En sort une caméra. La tête penchée, elle regarde son diaporama portatif défiler par la fenêtre de l’appareil.

Elle voit se succéder ce qu’elle a retenu de sa visite; ce qu’elle a cadré et choisi de rapporter avec elle. Car il faut dire qu’en plus d’avoir décidé qu’elle était Japonaise, je lui ai, du même souffle, attribué le statut de touriste.

Et si je ne voulais pas empiéter sur son espace il y a quelques secondes, voilà que je lorgne effrontément ses clichés. C’est en moi un sempiternel duel : je crains de déranger mais je suis curieu-se comme une fouine. Et c’est bien souvent la fouine qui l’emporte sur la discrète.

Ainsi, j’essaie de distinguer, par ses photographies, ce que cette étrangère peut voir d’exotique en notre ville. Tout ça en me remémorant toutes ces fois où j’ai posé ma caméra sur un paysage, ailleurs. Cette sensation de doux déracinement que les photos peuvent provoquer lorsqu’on les regarde rétrospectivement, de retour chez soi. En fait, ces images figées éveillent en nous le souvenir bien vivant du doux dépaysement.

J’en suis là, à me demander quelles images d’ici, de retour à Tokyo, la ramèneront à Montréal et lui feront revivre comment elle s’y était sentie. Je suis vraiment surprise de l’ampleur des gratte-ciel du centre-ville sur ses photos. Les images passent vite, elles sont petites, je suis myope. Je me dis qu’à force d’évoluer dans ma ville, j’en suis venue à sous-estimer son envergure.

Entre un jeune homme à la station Berri-UQAM. Il semble connaître la touriste, puisqu’il la salue avec enthousiasme : «Catherine, t’es revenue?» À leur discussion, je comprends vite que Catherine est Québécoise, qu’elle est tout récemment allée visiter de la famille, effectuant ainsi son premier périple au Japon. Et au moment même où elle revisitait ces lieux exotiques, j’ai aussi voyagé. Comme quoi l’ailleurs, c’est, parfois, ici même.   

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