L'anniversaire
julielaferriere - Métro
C’est vendredi. Il est 19 h 10 sur la ligne 80 de l’avenue du Parc, direction nord. J’ai rendez-vous et je devrais déjà être rendue là où je dois être. Ce n’est pas loin, mais je porte des escarpins qui ne sont finalement pas conçus pour marcher. Il faudra que je me souvienne la prochaine fois que le rôle premier d’une chaussure est de permettre d’avancer!
Je trottine jusqu’à l’arrêt avec l’élégance d’un flamant rose saoul. Je me sens parfaitement ridicule, car je n’ai qu’un stop à faire. L’autobus se pointe au loin. J’ai le temps de faire un appel pour souligner l’anniversaire d’une amie. Le soir tombe. Il y a, dans la file d’usagers, un homme attentif à mes bons souhaits. Quand je raccroche, il m’apostrophe avec enthousiasme : «J’aimerais ça, moi, qu’on m’appelle pour me souhaiter bonne fête de même!»
Surprise, je lui demande candidement : «Personne ne le fait?» Il répond fermement mais non sans gentillesse : «Mettons que c’est pas facile de recevoir des appels quand t’habites en dessous d’un pont.»
Je n’avais pas remarqué, dans la pénombre, que l’homme aux 40 ans usés portait effectivement les attributs de quelqu’un qui vit dans la rue. Je le questionne : «C’est quelle date, votre fête?»
Nous montons dans l’autobus qui vient d’arriver. «Le 15 de mai!» lâche-t-il tout content. Il me demande quand est la mienne. Je lui réponds que c’est au cœur de janvier et qu’il a de la chance d’être né un doux mois de printemps.
Denis– j’ai appris son nom entre-temps – me remet à ma place. Je suis dans le champ; le printemps et l’été sont loin d’être doux pour lui puisque les gens, l’hiver, sont généreux. «Ils ont pitié, alors que l’été, ils nous envoient promener en nous disant de nous trouver une job!» témoigne-t-il.
L’arrêt suivant arrive rapidement. Mes échasses inutiles et moi devons descendre. Quand les portes s’ouvrent, je lance à Denis : «Bonne fête à l’avance!» Son visage s’illumine : «Merci! À toi aussi!» Je m’éloigne en me disant que certaines dates de l’année sont plus signifiantes que d’autres. Certaines rencontres aussi…