1974

Jeudi 10 h, métro Guy-Concordia, en direction d’Honoré-Beaugrand. Un homme, fin cinquantaine, me fait face. Nous sommes chacun seul sur notre banc et profitons de nos espaces respectifs et privilégiés en cette heure de pointe.

Les cheveux noirs du monsieur sont soigneusement placés. Il porte des lunettes à monture métallique et un anorak doublé. Sur ses genoux est posé un porte-documents de toile sur lequel l’année 1974 est inscrite. Le genre d’objet promotionnel qu’on nous remet lors d’un congrès et qu’on n’ose pas jeter parce qu’il est solide, pratique et qu’il ne nous a rien coûté. Celui-ci est particulièrement robuste, car il est encore en très bon état, 37 ans plus tard.

Ce qui est intrigant, ce n’est pas le sac lui-même, mais bien le temps qu’il a traversé. Où était et que faisait, cette année-là, celui qui l’utilise toujours aujourd’hui?

En 1974, il a probablement 20 ans. Il étudie pour devenir ingénieur. Il vient d’emménager dans son premier appartement pas loin de l’université, où il vit avec deux colocs américano-fêtards. Il a aussi une blonde qui étudie en psycho et qui lui pose des questions un peu trop intenses au sujet de son enfance et de sa famille. Mais il l’aime bien quand même.

Les cours que suit alors le jeune homme lui demandent beaucoup de temps et de sacrifices. Il vient d’une famille modeste, et ses parents n’ont pas eu la chance d’étudier. Comme il est sérieux et doué, il obtient quantité de bourses et va rapidement suivre un programme de physique et d’ingénierie à Strasbourg.

Puis, il fait un doctorat. La blonde-en-psycho ne survit pas à ses années d’études à l’étranger. Elle aura d’ailleurs, entre-temps, marié un médecin sédentaire et végétarien. Ça ne fait rien, car lui revient au pays avec à son bras une formidable fiancée française qui lui donnera deux garçons et avec qui il vit toujours. Puis, en 1980, on lui offre un poste de professeur à temps plein à Concordia.

Depuis, il transmet ce qu’il sait. Tout ce qu’il a acquis au fil du temps écoulé depuis 1974, il le partage. À sa façon, il construit des ponts avec pour matériaux ses connaissances et son savoir. Et ces ponts-là sont indestructibles.

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