Russie

Ligne d’autobus numéro 15, direction est. C’est lundi, il est 18 h 15. Nous vivons dans un climat robuste qui parfois peut franchement rappeler celui de la Sibérie. Avec ce froid qui nous éprouve, cette lumière laiteuse et notre ciel immense. Et nos visages momifiés dans des foulards de laine un peu rêche. Sans compter les chapeaux de poil enfoncés jusqu’aux yeux, qui ne laissent paraître que le bout de nos nez rougis.

Ce jour-là, je me sens exactement comme ça : comme une paysanne russe du début des années 1900, qui a froid aux pieds. En fait, je me réfère à l’image si clichée que je me fais de la babouchka, telle que dépeinte dans les romans et au cinéma.

Ainsi, je me projette dans un lointain passé russe, alors que je suis présentement assise dans ce véhicule du XXIe siècle.

La sonnerie d’un cellulaire me ramène rapidement à mon époque. Je peux alors constater que la chaleur, à l’intérieur du bus, s’est déposée sur les passagers, qui se délestent de quelques pelures pour ne pas suffoquer. J’observe autour de moi le ballet d’individus se «désenrubannant», quand je sens mon voisin de banquet-te, que je n’avais pas encore remarqué, se trémousser d’inconfort.

C’est alors que je me retourne pour le découvrir. Il a la jeune trentaine. Porte une tuque de laine molle un peu trop grande, arbore une audacieuse barbichette et est écrasé sous le poids d’un gros sac. Cette poche a la dimension d’un sac de vidanges, et sa transparence permet de voir son contenu. Et que contient-elle? Je vous le donne en mille : DES PATATES! Environ 200 patates. 

Nous sommes en janvier 2012, au cœur de la modernité d’une ville nord-américaine. Les passagers ont en mains des appareils supra technologiques. Le paysage qui défile met en scène des édifices contemporains. Et pourtant, en fixant les patates, je retourne, pour mon plus grand plaisir, en Russie. Cent ans plus tôt. Il fait froid. Mais il fait beau. Et il est bien possible que moi aussi, ce soir, j’hérite d’une corvée d’épluchage.

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