Les noyades, les piscines et le risque zéro

Photo: Getty Images

Mise au point d’emblée, avant qu’on me traite de sans-cœur : ma fille a l’âge de la fillette qui a été retrouvée morte dans une piscine à Kirkland cette semaine.

Je peux difficilement imaginer un destin plus horrible pour un enfant, et un deuil plus pénible pour ses parents. J’imagine le petit être se débattre, tenter d’appeler sa maman qui ne peut l’entendre, puis s’épuiser et sombrer. J’imagine l’épouvantable découverte par la mère. L’horreur, puis le chagrin infini, dont elle ne se remettra jamais complètement. Une vie qui aurait dû avoir lieu s’est éteinte brutalement et prématurément, de façon absurde, à cause de cette insatiable curiosité qui rend les enfants si attachants et si émerveillés devant ce vaste monde qu’ils découvrent.

Je crois néanmoins que le troupeau – les médias, le politique, nous – fait fausse route devant les récentes noyades, dans des piscines et ailleurs, et sur lesquelles beaucoup d’attention s’est portée.

Fait 1 : Il y a environ 80 noyades par année au Québec depuis le début des années 2000 (c’est possible qu’on se dirige vers 90 ou 100 noyades cette année). En comparaison, environ 500 personnes par an se tuent sur nos routes. Et près du double mettent volontairement fin à leurs jours.

Fait 2 : La très grande majorité des gens qui se noient sont des adultes. La consommation d’alcool et le fait de ne pas savoir nager sont les causes principales de décès.

Fait 3 : Seulement une dizaine de noyades par an surviennent dans des piscines. C’est à peu près le même nombre que dans les baignoires (voir le rapport détaillé ici, à la page 9). Les autres noyades surviennent dans d’autres plans d’eau, comme des lacs ou des rivières ou dans le fleuve.

Fait 4 : Les noyades de mineurs dans les piscines résidentielles représentent environ quatre décès par an, en moyenne.

Pourquoi mettre ces statistiques en évidence? Parce qu’à la limite, trop parler de quelques tragédies isolées, peut-être inévitables, nous distrait de problèmes non pas plus importants, mais certainement plus prévalents, et contre lesquels un effort collectif a de meilleurs chances d’obtenir des résultats.

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On fait erreur si on s’imagine que l’on peut réduire le risque à zéro en obligeant les clôtures et les vestes de sauvetage. À elle seule, une clôture ne remplacera pas la vigilance d’un parent. Au contraire, elle peut créer un faux sentiment de sécurité.

J’ai aussi des doutes sur la décision de la ministre Courchesne de rendre disponible le programme « Nager pour survivre » à toutes les écoles qui en font la demande. Ou plutôt, j’ai un doute sur ses effets. Le programme est présenté à tort par certains comme un vrai cours de natation, alors qu’il cherche plutôt à donner des habiletés de base pour survivre à une chute en eau profonde. Et il n’aidera pas les très jeunes enfants, qui sont plus sujets aux noyades.

Il y a aura toujours des noyades. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas tenter de les réduire. Mais on serait mieux avisé de s’assurer qu’un maximum de gens apprennent à nager dans des cours de natation en bonne et due forme, ce qui est un acquis pour la vie.

Et, sans banaliser, on devra accepter, très malheureusement, que des accidents surviennent, même lorsque toutes les précautions auront été prises.

C’est pour ça que ça s’appelle un accident. Le risque zéro n’existe pas.

NOTE: Juste avant que j’appuie sur le bouton pour publier, un collègue qui m’a relu m’a fait remarquer que Brigitte Breton, du Soleil, avait écrit sur le même sujet, avec le même angle.

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