Octavio Zambrano: le destin d’un troisième choix
Quand Octavio Zambrano a pris les commandes de la sélection masculine canadienne, en mars 2017, il avait laissé une forte première impression, autant chez les amateurs que parmi les médias spécialisés. C’est pourquoi son renvoi, le 8 janvier dernier, a pris de court le petit monde du soccer local.
Malgré le fait que son nom n’était pas nécessairement «vendeur», ni synonyme de grandes réussites, son plan, ou du moins l’esquisse qu’il avait présentée avec conviction et fougue à travers le pays avait séduit. Un pèlerinage rafraîchissant, après des années de sécheresse – figurée et littérale – la plus totale à laquelle nous avait habitués son prédécesseur, Benito Floro. Un sélectionneur canadien qui visitait régulièrement le Québec et rencontrait les acteurs du foot et les journalistes d’ici: on croyait presque rêver…
Presque. Car derrière cette romance tant attendue qui semblait enfin se tisser entre le Canada et sa sélection de foot masculine, la réalité était autrement moins rose.
Il faut d’abord il faut comprendre qu’Octavio Zambrano n’a jamais été le premier choix de Soccer Canada qui, selon ce que m’a appris récemment une source proche de l’Institution, avait d’abord tenté d’engager le Colombien Reinaldo Rueda, aujourd’hui sélectionneur du Chili.
Rueda et l’ex président de la fédération canadienne, Victor Montagliani, avaient un accord de principe sur la table, mais lorsque ce dernier a quitté ses fonctions pour assumer le même rôle du côté de la CONCACAF (ainsi que celui de V-P de la FIFA) le candidat numéro un s’est désisté. Comme c’est courant dans le monde du foot, les entraîneurs n’aiment pas du tout avoir à négocier avec une autre personne que celui qui l’a embauché. Surtout pas en début de mandat.
Toujours selon cette même source, suite au refus de Rueda, Soccer Canada a tenté de se rabattre sur un autre entraîneur colombien: Óscar Pareja, du FC Dallas. Plan B qui est également tombé à l’eau, pour des raisons contractuelles et, ultimement, d’ordre financier.
C’est seulement à partir de ce deuxième échec que la plus haute instance du soccer canadien a contacté Zambrano et, au-delà des apparences, le choc entre les attentes de la maison et les façons de faire de l’Équatorien a été une source de conflit dès ses premières semaines en poste.
Octavio Zambrano a-t-il tenté de brasser la cage d’une institution qui, sportivement et politiquement parlant, donne très souvent des impressions de «Country Club»? C’est ce que les différentes informations que j’ai pu recueillir tendent à confirmer. Cependant, elles attestent aussi qu’au-delà de cette volonté de bousculer l’ordre établi, sa préparation, ainsi que ses méthodes n’ont jamais fait l’unanimité, autant du côté des dirigeants que chez les joueurs.
Si le bref passage de Zambrano ne doit laisser qu’une seule leçon chez Soccer Canada, ce doit être celle-ci: l’attitude d’un sélectionneur, son ambition sportive, sont des intangibles aussi importantes que son parcours, ou ses trophées. En ce sens, l’équatorien aura amené son lot de positif à ce programme, qui a fait un pas dans la bonne direction sous son autorité… sur le terrain, à tout le moins.
Herdman aux commandes
C’est le sélectionneur de l’équipe canadienne féminine, John Herdman, qui prend le relais de Zambrano. L’Anglais de 42 ans n’a jamais caché son ambition de faire le saut chez les hommes, et Soccer Canada n’allait pas manquer pareille occasion de garder dans ses rangs l’un des principaux artisans derrière le succès du programme féminin. D’ailleurs, une source me confiait récemment que Herdman se serait vu offrir les rennes de la sélection féminine anglaise, ce qui lui a donné des arguments de choix pour négocier son avenir avec la fédération unifoliée et, par le fait même, précipiter le départ de Zambrano.
Fin tacticien et motivateur hors-pair, Herdman a mené les canadiennes à des médailles de bronze consécutives, lors des deux derniers Jeux Olympiques (Londres et Rio). Son principal défi maintenant sera de vendre son projet à une sélection masculine qui repart sur des nouvelles bases, seulement neuf mois après le début du cycle précédent.
Connaissant sa candeur et son charisme, sans parler du respect sans bornes qu’il a su donner au blason canadien, je suis persuadé qu’il saura rallier les troupes à sa cause rapidement, avec, ni plus ni moins, la qualification à la Coupe du monde de 2022 comme objectif ultime.