En France, le Malaise d’or
Le 63e gala du Ballon d’or, tenu à Paris lundi, promettait de marquer l’histoire; on allait non seulement assister à la fin de l’hégémonie Messi-Ronaldo, qui monopolisaient l’honneur depuis 2008, l’Argentin et le Portugais l’ayant remporté cinq fois chacun; on y verrait surtout (et enfin!) une toute première femme récipiendaire.
Pendant que la ville de Paris se relevait des graves émeutes du week-end, le gratin footballistique international se réunissait au magnifique Grand Palais pour assister à la remise du trophée individuel le plus prestigieux du sport, animée cette année par l’ex-international français David Ginola et son acolyte du jour, le DJ Martin Solveig.
Malgré le côté chic de l’événement, son décor tout à fait somptueux, en plein cœur des Champs-Élysées, et une claire volonté de «rajeunissement» – meilleure chance la prochaine fois… –, le gala sportif a vite sombré dans la variété bon marché et, disons-le, le mauvais goût. Divers malaises ont ponctué la soirée, autant parmi les invité(e)s de marque, que chez les dizaines de millions de téléspectateurs et internautes qui ont, époque oblige, investi les réseaux sociaux pour exprimer, tantôt leur amusement, tantôt leur dégoût.
Oui, «dégoût». Le mot n’est pas trop fort. Car si les cabrioles ridicules de Solveig – qui donnait l’impression d’animer une Bar Mitzvah, plutôt qu’un gala d’envergure planétaire – étaient à la base plutôt badines et inoffensives, ce crescendo de ringardise l’a inévitablement amené à dire une immense connerie. Comme une bombe à retardement. Tic-tac-tic-tac…
Après avoir vu Kylian Mbappé rafler la première édition du Trophée Kopa, remis au meilleur joueur de moins de 21 ans, et avant de remettre le Ballon d’or masculin à Luka Modric, la Norvégienne Ada Hegerberg est montée sur scène pour recevoir son titre de Joueuse de l’année. Un moment historique, marqué par le discours senti et inspirant du tout premier Ballon d’or féminin. Un moment parfait. Son moment parfait. Jusqu’à ce que… tic-tac-tic-tac… BOOM!
«Est-ce que tu sais twerker*?»
Mbappé, la gueule à terre, semble chercher où se cacher. Hegerberg, elle, avec grande classe et dignité, se contente d’un «Non!» sec, avant de tourner les talons, l’air dégoûté, laissant Ginola et Solveig – coupable de l’odieuse question –, se confondre en rires gras et niais. Malaise des malaises.
Anti-climax total. Un autre grand moment du sport féminin terni par le petit sexisme ordinaire.
Pour ceux et celles qui gravitent dans le monde du sport, les raisons d’être franchement consternés par la place qui occupent les femmes et le double standard dont elles sont victimes ne manquent pas. Cela étant dit, je crois que la déferlante de dédain que Solveig s’est prise en pleine mâchoire dans les secondes qui ont suivi son triste faux pas (puis une deuxième après des excuses plutôt bidon) tend à démontrer qu’on est sur la bonne voie. Qu’il ne faut surtout rien lâcher.
Comme l’a si bien demandé le tennisman Andy Murray, réagissant à chaud sur Twitter : «Pourquoi les femmes doivent-elles encore endurer cette merde?»
À seulement sept mois de la Coupe du monde féminine, en France, on est en droit d’espérer que la leçon sera retenue et qu’on doive se poser cette question de moins en moins souvent.
*Selon Wikipédia: «Le twerk est une danse sensuelle. Le terme est un mot-valise formé à partir des deux lettres initiales de twist et les trois lettres finales de jerk, du nom des danses auxquelles il emprunte certains mouvements et déhanchés.»