Il faut baisser le salaire des médecins
Si les médecins étaient regroupés en un ministère, ils formeraient le troisième poste de dépenses du gouvernement, derrière la santé et l’éducation.
En fait, la rémunération versée aux médecins en 2012 a été plus élevée que les dépenses totales des ministères de l’Agriculture, de l’Environnement, de la Famille et des Aînés, de la Justice et des Transports… mis ensemble.
L’an dernier, le Québec comptait un peu moins de 20 000 médecins qui se partageaient 5,4 G$, ce qui donne environ 270 000 $ par toubib, en moyenne (en pratique privée, cela couvre aussi les frais de cabinet).
Le problème n’est pas seulement que les salaires des docs sont élevés, c’est qu’ils augmentent rapidement, au rythme d’à peu près 10 % par an. Mieux que la Bourse! Ainsi, dans 2 ans, à la faveur d’ententes négociées par le gouvernement précédent, la masse salariale des médecins du Québec atteindra 6,6 G$. Il y a 5 ans, c’était 3,8 G$.
Pendant que le chèque de paie des médecins gonfle, les hôpitaux grattent les fonds de tiroirs pour soigner les patients, qui sont pour eux une source de dépenses. Tout ça à cause de la fausse bonne idée qu’on est mieux soigné par un médecin qui gagne plus cher.
Et pourtant. L’automne dernier, l’émission Une heure sur Terre, à Radio-Canada, nous apprenait qu’en France, les médecins gagnent de 45 000 $ à 100 000 $ par an (non, je n’ai pas oublié de zéro). Le système français, qui permet d’ailleurs la cohabitation entre le public et le privé, est considéré comme un des meilleurs du monde. L’attente? Ils ne connaissent pas, là-bas.
Doit-on suivre le même modèle? Pas nécessairement, mais ça montre à tout le moins que les Québécois n’en ont pas pour leur argent. À titre d’exemple, si leur salaire moyen était ramené à «seulement»180 000 $ – 4 fois celui du contribuable moyen –, le
Québec pourrait se payer 10 000 médecins de plus. Disons que ça ne nuirait pas…
On a l’habitude d’invoquer les salaires payés par nos voisins canadiens et américains pour défendre ceux versés ici. Une mauvaise décision n’en justifie pas une autre, et il n’y a pas à craindre l’exode massif que les fédérations de médecins agitent tel un bonhomme Sept heures. Sinon, la France se serait vidée de ses médecins depuis longtemps!
Bien d’autres facteurs incitent à pratiquer chez nous, et la plupart des médecins ne sont pas des mercenaires. Les centaines de premiers de classe qui voient leur demande en médecine refusée chaque année prendraient la place de ceux qui ne sont intéressés que par le côté financier de l’affaire. Des immigrants qualifiés, aussi.
On pourra faire toutes les réformes qu’on veut, le système de santé n’arrivera jamais à suffire à une population vieillissante si le salaire de ceux qui la soignent continue à augmenter cinq fois plus vite que l’inflation.
Au-delà de ça, il s’agit d’une question d’équité. Veut-on se payer des salaires ou des soins? Les contribuables et les patients font depuis trop longtemps les frais des ratés du système de santé. Les médecins doivent aussi faire leur part.
Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.